Par Marie-France Cros.
Les autorités congolaises ont organisé des séances de « sensibilisation à l’utilisation de la machine à voter » en divers endroits de la République. Mais cela ne se passe pas toujours comme prévu. Pourtant, les autorités sont plus intéressées à étouffer les erreurs qu’à les corriger. Exemple à Idjwi (Sud-Kivu).
Samedi dernier, le 15 septembre, à 11 h du matin, une séance de sensibilisation à l’utilisation de la machine à voter a été organisée dans le bureau de la chefferie Ntambuka à Rambo (territoire d’Idjwi), sur l’île d’Idjwi (Sud-Kivu). Des membres de différentes organisations de jeunes étaient présents. Emmanuel Ndimwiza, de la Lucha (Lutte pour le changement) en était. La Libre Afrique a pu le contacter après avoir été prévenue que des problèmes avaient surgi.
Pas les mêmes résultats que les bulletins papier
« On voulait vérifier si la machine donnait les mêmes résultats que les votes papier. On a émis 20 bulletins papier. Or, la machine en a sorti 23! », raconte le jeune homme à La Libre Afrique. « Les trois voix supplémentaires se sont ajoutées à deux des candidats à la présidentielle » fictive utilisée pour la démonstration: « le candidat n°4, Kakese Malela François, a eu 4 voix au lieu de deux lors du vote papier. Et le candidat n°10, Mukendi Kamama Josué, en a eu 2 au lieu d’une sur les bulletins papier ».
« Nous avons alors contacté le chef d’antenne de la Ceni » (Commission électorale nationale indépendante) « qui a dit que c’était dû à une mauvaise utilisation de la machine à voter », poursuit le militant de Lucha.
Que se passera-t-il si cette « mauvaise utilisation » se reproduit le jour du vote – dans un pays où les analphabètes sont 27%, où une proportion beaucoup plus grande de la population est peu familiarisée avec l’informatique et où les problèmes de courant électrique sont quotidiens?
L’ANR à la recherche de ceux qui posent des questions
« Le chef d’antenne nous a alors dit que c’était des rumeurs », poursuit l’interlocuteur de La Libre Afrique. « Il a ajouté qu’on savait que les organisations de jeunes étaient contre les machines à voter. Comme on insistait, il nous a dit de ne plus toucher à la machine ».
A la suite de cet échange, l’ANR (Agence nationale de Renseignement) – crainte pour ses exactions et dont le chef, Kalev Mutomb, est l’objet de sanctions de l’Union européenne, de la Suisse et des Etats-Unis pour son rôle dans la répression politique – a envoyé des agents à la chefferie Ntambuka « pour récupérer la machine. Comme ils ont demandé tous nos contacts pour nous localiser, nous avons jugé plus prudent de fuir », ajoute Emmanuel Ndimwiza. « Nous sommes dans une insécurité totale », a-t-il précisé.