Dans son homélie son consultée par Kivuavenir.com, l’Abbé Jean-Pierre Bagendabanga dénonce et condamne, avec chagrins, les humiliations que les Bashi sont en train de subir actuellement par des personnes de mauvaise foi, tel le drame de Walikale mais aussi à Kinshasa où leur frère et pionnier de la politique congolaise, Vital Kamerhe, est condamné et mis en prison injustement par le pouvoir congolais ; à l’issue d’un procès préfabriqué par ses alliés politiques.
Face à toutes ces humiliations de sa tribu, le Prêtre garde confiance et appelle les membres de sa communauté à ne pas chanceler. Comme le prophète Isaïe, le prêtre invoque le nom de Yahvé de qui vient la vraie justice. « Ne te fermes pas car tu es notre Père. Abraham ne nous connait plus. Israël ne sait plus rien de nous. C’est toi Yahvé qui es notre Dieu, notre Rédempteur… Pense à tes serviteurs, aux tribus de ton héritage » (Is 63, 16-17).
Voici, ci-dessous, l’homélie de l’Abbé Bagendabanga.
HOMELIE A L’OCCASION DE LA MEMOIRE DES BASHI MASSACRES A WALIKALE ET JOURNEE DE PRIERE POUR LA GUERISON ET LA LIBERATION DE L’HONORABLE VITAL KAMERHE
Peuple Bashi, peuple de Dieu qui est à Kinshasa, que la paix du Seigneur soit avec vous !
Nous sommes le premier Dimanche du Temps de l’Avent. Pour nous chrétiens catholiques, Avent est un temps favorable qui nous prépare à la venue du Messie. C’est un temps de prière et des actions de mortification pour témoigner notre amour envers Dieu et envers nos frères vivants et morts.
Ce Dimanche nous prions pour nos frères qui ont été massacrés à Walikale alors qu’ils étaient au travail. Ils étaient en voyage à la recherche des moyens de survie pour leur famille. Nous allons aussi prier pour notre frère Honorable Vital KAMERHE, victime d’un procès politico-tribale.
Bien aimés de Dieu, peuple du Bushi, ces événements que nous célébrons aujourd’hui montrent combien l’année 2020, année covid -19 n’a pas été favorable pour nous. Alors que la pandémie nous stresse, la condamnation injuste de notre frère Vital et le massacre collectif de nos frères à Walikale nous ont plongés dans les tourments. Le rire des personnes satisfaites de notre malheur suscite en nous des questions : Est-ce que Dieu aime tous les peuples ? Pourquoi sommes-nous devenus une cible ? Pourquoi reste-t-il silencieux devant nos bourreaux qui nous torturent et ricanent ? Pourquoi Dieu accepte -t-il que nos amis nous retournent le mal pour le bien que nous leur avons fait ?
Peuple de Dieu, peuple Bashi ne perdons courage. Dieu nous aime tous comme un Père. Il aime toutes les nations. Il aime toutes les tribus du monde. Ce que nous vivons aujourd’hui n’est que la manifestation de méchanceté d’un homme ou des hommes. Notre Seigneur n’y est pour rien. Dieu est avec nous. Il ne nous a pas abandonné. Dans ce désert que nous traversons nous devons crier vers lui comme Isaïe l’avait fait dans son épreuve : ” Ne te fermes pas car tu es notre Père. Abraham ne nous connait plus. Israël ne sait plus rien de nous. C’est toi Yahvé qui es notre Dieu, notre Rédempteur… Pense à tes serviteurs, aux tribus de ton héritage” (Is 63, 16-17).
Le Seigneur est notre Dieu et ne pouvons que compter sur lui dans les meilleurs et dans le pire. Ntakwirhu rhugwerhe. Rhuli ba muhini mofi. Ensiku zikulikirana ci ziba mwo eminya. Eza buno zabihire irhalusa. Igulu lya dunga. Enkwale yabwira abana bayo erhi rhugendi shunda. Erhi ehika ahishwa, omuhivi ayibanda amumpirigisha, yagukubira. Yakema ebyanakwale erhi: bana bani rhwe rhushimbirwe. Mukakala erhi mwana henguza. Ko ninyu mubwizire ntyo : Mulangane.
Nous pleurons nos frères qui ont été tués. Ils n’ont pas eu le temps de dire au revoir à leurs familles.
Ils n’ont pas peut-être laissé de testament. Leurs familles n’ont pas eu la chance de voir leurs tombes et encore moins leurs corps. Car nombreux d’entre eux ont été égorgés et jetés dans la rivière : olwishi lwabaheka. Buhanya budarhi obo kuli rhwe. Ciri cijaci e Bushi. Erhi wankabwira owinyu mpu: “Okashimba Nkombo bwandagala”. Ago mango erhi wamamucuma kubi bwenene. Kubi bwenene okubwira owinyu mpu akafira ihingiro nka mukumbi. Okafira omu ntondo y’obulambo, ebihungu bikuyomole amasu. Ohwere omunyanya nka mashala ga nzige…
Nous prions pour nos frères qui ont été ainsi massacrés. Nous ne les avons pas enterrés suivant notre coutume des Bashi. Notre manière d’enterrer a des symboles riches de signification. Nous enterrons à coté de nos maisons dans l’enclos familial car nous croyons que les morts continuent à veiller sur les vivants. Les morts ne sont pas morts. Ils vivent avec nous. Ils mangent avec nous. Ils nous protègent. C’est toute une espérance traditionnelle comme pierre d’attente de l’enseignement chrétien.
La déposition du corps dans la tombe se fera de manière que la face tourne vers l’Orient ; vers le lever du soleil. Vers Jésus Christ qui est soleil levant. Les pieds seront orientés suivant la direction de l’écoulement de la rivière et l’eau qui a servi aux ablutions est déversée sur la tombe en signe d’innocence et dire que tout coule à la manière de la rivière. Ainsi la culture des Bashi s’ouvre aux grandes cultures du monde et surtout la culture des grecs : Dans son “Panta rhei ” Héraclite d’Ephèse disait : « Tout coule comme l’eau de la rivière. Thalès de Millet disait : l’eau c’est la vie. Pour les Bashi, les morts puisent l’eau pour les vivants. Lorsqu’ils finissent à enterrer, ils disent : « rhwamurhumire oku lwishi acirhudomera. Agenzire aci rhulegera amishi ». Nous l’envoyons à la rivière pour puiser de l’eau pour notre vie. C’est différent de : Rhwamurhumire e rwishi.
Un autre symbolisme est celui de la pierre tombale. La pierre tombale des Bashi est vivante. C’est le ficus (mutudu) qui demeure un signe vivant du défunt. C’est un arbre très utile pour la vie du Mushi.
Bien aimés de Dieu, voilà toute la richesse culturelle qui nous manque lorsque nous mourrons loin de notre terre natale. Et surtout, lorsque nous sommes massacrés et enterrés sans suivre le rituel de notre culture. Nos pleures ont donc un fondement. Nous devrions enterrer nos morts comme le faisait Tobie lorsque ses frères étaient massacrés dans la guerre. Voici ce que dit Tobie : « Si j’apercevais le cadavre d’un de mes compatriotes jetés hors du mur de Ninive, je l’enterrais » (Tobie 1,17).
De plus, il respecte scrupuleusement la Loi, prie et pratique l’aumône. Il dit : ” Enfin je donnais un troisième dixième aux orphelins, aux veuves…comme la Loi de Moise le prescrit (Tobie 1,8). Honorable KAHASHA s’est rendu à Walikale voulant faire ce qu’avait fait Tobie, mais sa mission n’a pas été facile. Il a fait un chemin du calvaire.
Face à ces massacres des paisibles citoyens Bashi à Walikale, les dirigeants du pays n’ont rien fait et le silence de Dieu engloutit tout dans l’oubli.
Nous attendons la justice divine comme nous l’a recommandé notre frère Vital Kamerhe pour qui nous prions aujourd’hui. Il est malade, avec une lourde peine qui pèse sur lui alors que lors du procès aucun indice sérieux de sa culpabilité n’a été brandi. Il semble que son infraction est un détournement intellectuel des deniers du trésor public. La somme a été donnée à la société concernée, les maisons ont été achetées mais personne ne s’en occupe. La messe était déjà dite : Vital ” tu ne vas pas nous échapper”. Voilà le verset, qui retient notre frère en prison.
Ce procès public contre notre frère Vital m’a rappelé une boutade : « Une antilope courait comme une folle. Un éléphant lui demanda : Antilope, pourquoi cours-tu ainsi ? Et lui répondu : la police arrête toutes les chèvres du village. L’éléphant retorqua : Mais tu n’es pas une chèvre ! L’Antilope répliqua : avec notre justice actuelle ça me prendra 20 ans pour prouver que je ne suis pas une chèvre. Et l’Eléphant se mit à courir aussi ».
Honorable Vital KAMERHE a été jeté comme un objet encombrant la cour d’une divinité locale lorsque les bourreaux ont appris que la pandémie de covid-19 avait atteint son pic. Eh bien ! il n’a pas échappé comme prédit par ses accusateurs. La justice à la congolaise a fait son travail.
Nous avons vu toute une race choisie, la super race dirigeante, se liguer contre lui comme pour l’abattre. Enjira erhabwira mugenzi. Oyu rhwaboheraga ensamaki arhulembwire empiri. Enkono ya Ntayira ye ntako kurhorhwa. Mwene wirhu Mukengwa KAMERHE orhalubaga. Mwami Yezu na Bikira Maria bakusimire. Rhuli Bashi n’abalungu birhu b’ e Kongo b’emirhima minja rhukusimire. Lungwe wirhu Kalunga akuh’emisi, akufumye, anakulange oku ncuku n’e nkanja mishi !
Aujourd’hui notre frère Vital fait l’expérience de ce que le prophète Isaïe a vécu vers 740 av.J.C. Voici ce que dit Isaïe : « Le Seigneur Dieu m’a ouvert l’oreille et moi je ne me suis pas révolté. J’ai présenté mon dos à ceux qui m’arrachait la barbe. Je n’ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats. Le Seigneur Dieu vient à mon secours. C’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages. C’est pourquoi j’ai rendu mon visage dur comme pierre. Je sais que je ne serai pas confondu. Il est proche celui qui me justifie. Quelqu’un a -t-il une accusation à porter contre moi ? Qu’il s’avance ! Voici le Seigneur Dieu qui vient prendre ma défense » (Isaïe 50,6-9).
Nous souhaitons que Dieu vienne à notre rencontre. C’est le moment propice dont nous avons plus besoin de lui. Qu’il ouvre la porte du paradis à nos frères Bashi qui ont été massacrés injustement à Walikale. Qu’il nous offre un Etat fort pour protéger nos frères de Beni-Butembo et Ituri. Qu’il nous envoie des juges selon son cœur car la vraie justice vient de Dieu. ” Dieu est au contrôle” et ” Lorsque le juge humain s’écarte de la vraie justice, Dieu finit par rétablir l’Innocent dans ses droits”. Car ” la justice élève une nation » (Pr 14,34), disait Vital en paraphrasant les livres de proverbes. Qu’à travers son chapelet qu’il porte signe de sa foi, la Vierge Marie dise à son Fils : ” ça suffit déjà comme douleurs et humiliations à mon fils Vital !”.
Peuple de Dieu, prions afin que ce temps de l’Avent soit pour nous de paix et de rencontre avec Dieu. Qu’il essuie nos larmes et apaise nos cœurs. Mulame,mulangane ! Enama za ba shakuluza zigashane e Bushi. Abami birhu b’ e Bushi n’e Kongo basere omu Cinyabuguma. Lulema aganze !
Abbé Jean-Pierre BAGENDABANGA