La cinquième audience dans le procès opposant le ministère public contre Vital Kamerhe, Samih Jammal et Jeannot Muhima poursuivis pour détournement des deniers publics a eu lieu jeudi 11 juin à la prison centrale de Makala à Kinshasa. Au cours de cette audience consacrée aux plaidoiries, le ministère public maintient les accusations et demande au tribunal de condamner les prévenus. Les avocats de tous les prévenus dans cette affaire rejettent la requête du ministère pour manque des preuves et demandent l’acquittement de leurs clients.
Contre Vital Kamerhe, le ministère public requiert 20 ans de « travaux forcés, confiscation des biens acquis en son nom, gel des comptes bancaires, dix ans de privation d’exercer dans la fonction publique ni de jouir de ses droits politiques, remboursement de 47 millions de dollars et paiement de 100 millions USD de dommages et intérêts à l’État congolais ».
12 ans de travaux forcés contre Samih Jammal, le renvoi forcé dans son pays d’origine avec interdiction de fouler le sol congolais pour y exercer ses affaires.
2ans de servitude pénale contre Jeannot Muhima.
Selon la partie civile (avocats de la République), la famille de Vital Kamerhe auraient acquis beaucoup de biens sans explication claire : « une concession à 1 million de dollars, et une autre à 600000 dollars de Daniel NKingi Shangalume dit Massaro, Kamerhe une maison, Hamida Shatur son épouse une autre, un hôtel de trois étages à deux pas de champs Elysées à Paris, des fonds dans les comptes bancaires de son épouse Hamida Kamerhe ».
Du côté du collectif des avocats de Kamerhe, le ministère public demeure incapable de prouver la participation de leur client. Ceux de Jamal estime que ce dernier a bel et bien fait une partie de son travail et que cela continue, aux vues de quelques centaines de maisons préfabriquées déjà montées. La défense de Muhima estime que l’État doit d’ailleurs quelques frais à cet employé qui, non seulement a rempli sa mission, mais a même utilisé ses propres moyens financiers ; une dépense que le comptable de la République avait confirmée.
Vient le tour d’accorder la parole aux prévenus. Tous les prévenus clament leur innocence. Jammal dit que les travaux continuent tels que convenu avec la présidence de la République malgré son incarcération à Makala. « C’est de la jalousie contre moi. Je suis innocent, innocent, innocent », crie-t-il.
Un « procès politique » visant principalement le Président de la République
Comme ses co-accusés, Vital Kamerhe clame son innocence et se dit confiant en la justice céleste.
« Je ne suis pas choqué du tout, non plus surpris. Depuis le début de cette procédure, j’avais déjà senti l’acharnement, la brutalité avec lesquelles ma personne était traitée et je disais déjà à ma femme : la messe était dite (…) J’ai entendu des choses qui n’ont rien à faire avec le procès. Mais, en tant qu’homme d’Etat, j’accepte ce qui va être dit. La vraie justice viendra de Dieu parce que quand le juge humain s’écarte de la justice, Dieu rétablit l’innocent dans ses droits », a dit Kamerhe ajoutant que la lettre signée par l’ancien ministre, Justin Bitakwira, explique clairement comment le gouvernement sortant avait augmenté le budget de 26 millions à 57 millions des dollars américains lorsqu’il avait demandé à la société Samibo d’augmenter le nombre des maisons préfabriquées.
Pour lui, le programme de 100 jours du Président qu’il a supervisé n’est qu’une de ses obligations conformément à l’article 6 de l’ordonnance portant organisation et fonctionnement du cabinet du Chef de l’Etat.
« …nous avons suivi beaucoup de chose. Des témoins sont passés ici, même ceux qui me détestent, aucun n’a dit que Kamerhe a pris de l’argent puisqu’ils disaient que j’étais superviseur. Mais, comme moi je protégeais la fonction présidentielle et tout son prestige (…) mais on le faisait au nom du Président de la République avec chaque ministre sectoriel. Et aujourd’hui, c’est l’affaire de Kamerhe ! Kamerhe est ici et se pose toujours la question de savoir il est ici comment et pourquoi ! j’étais convaincu qu’aujourd’hui on va finalement me présenter des pièces : M.Kamerhe sur les 57 millions, voici ce que vous, vous avez reçu, voici votre part preuve à l’appui. On ne doit pas supposer, on doit présenter », insiste-t-il.
S’agissant de la corruption, le Directeur de cabinet présidentielle exige qu’il lui soit opposé une pièce qui démontre cette infraction pénale au lieu de se fonder sur des suppositions.
« Au moment où nous parlons, nous avons 132 écoles, 42 centres de santé construits dans le cadre de 100 jours, l’eau au camp Kokolo, à Kitona, 2000 maisons aux militaires, 1000 maisons aux policiers,… On n’a pas pu montrer ici en direct, par une pièce irréfutable, le détournement des deniers publics par Vital Kamerhe. On n’a pas pu démontrer ici la corréité avec M. Jeannot parce qu’il vous a présenté toutes les pièces, M. Jammal ne m’a jamais rien remis, … où est la corruption ici ? », demande-t-il à ses accusateurs.
Pour la nième fois, le prévenu Kamerhe dénonce un coup politique monté de toutes pièces au regard des réalisations du Programme de 100 jours, comparativement aux années passées où des promesses irréalisables étaient toujours données au peuple congolais.
« Je voudrais dire que nous ne sommes pas en train de faire le droit ici. C’est de la politique. (…) Ce procès est politique parce que quand nous découvrons qu’il y a des ponts non placés alors qu’ils avaient déjà été achetés, on les pose, on construit 2000 km de route bâtie, quand on accélère les travaux de sauts des moutons, on bétonne [les routes, Ndlr] des avenues,…on dit ça c’est la valeur d’un seul ouvrage dans le passé ! on dit « si on laissons ces gens continuer à cette allure,…je ne veux pas engager des polémiques ici », souligne-t-il.
Il demande au tribunal de constater son innocence et de l’acquitter.
« Je demande au tribunal de constater mon innocence de tout ce qui a été dit ici. Ni les avocats de la République, ni le ministère public ni les intervenants de tout à l’heure, personne n’a pu démontrer ma culpabilité », plaide Vital Kamerhe avant d’interpeler la conscience du peuple sur ce procès qui vise, d’après lui, le Chef de l’Etat.
En quatre langues nationales, Kamerhe conclut en disant : « Awa eza nde likambo ya mboka. Vanu malu ya ditunga. Awwa yoke mambu ya insi na betu. Apa ni mambo ya nchi na watu wafungule macho. Ce n’est pas moi qui suis attaqué, c’est le Président de la République ».
Le Tribunal, après avoir entendu les prévenus en dernier lieu, a fixé le prononcé du verdict au samedi 20 juin courant.
Jean-Marie M