Dans une déclaration sans détour, le célèbre défenseur des droits humains a dénoncé le manque de repentance de l’ex-chef de l’État et le flou qui entoure sa succession controversée à la tête du pays en 2018.
« Nous savons qu’en 2018 ce n’est pas Félix Tshisekedi qui avait gagné les élections, nous savons que M. Kabila a choisi son successeur », a lancé Dr Mukwege, évoquant ce que de nombreux observateurs nationaux et internationaux avaient déjà qualifié à l’époque d’accord politique de coulisses entre Kabila et Tshisekedi, permettant une alternance pacifique mais entachée de graves irrégularités électorales.
Joseph Kabila, qui a dirigé la RDC pendant 18 ans après l’assassinat de son père Laurent-Désiré Kabila en 2001, avait officiellement quitté le pouvoir en 2019 à l’issue d’un processus électoral contesté. Toutefois, son influence est restée perceptible au sein des institutions, notamment via la coalition FCC (Front Commun pour le Congo) qu’il dirigeait.
Depuis plusieurs mois, l’ancien président multiplie les déplacements, notamment à l’est du pays, région d’origine de sa famille et bastion politique historique. Ces visites ont été interprétées par certains comme une pré-campagne déguisée, voire une tentative de se repositionner en vue des élections de 2028.
Pour le Dr Mukwege, cette attitude manque de considération envers un peuple congolais éprouvé par des décennies de violences, de corruption et de mauvaise gouvernance.
« Et aujourd’hui, il vient pour faire un sacrifice suprême pour reprendre le pouvoir, c’est quelle façon d’agir ? Il devrait d’abord présenter des excuses au peuple congolais… », a-t-il affirmé avec fermeté, estimant que tout projet de retour politique de Joseph Kabila devrait être précédé par une reconnaissance de ses responsabilités dans les souffrances du pays.
Le gynécologue de Panzi, célèbre pour son engagement auprès des femmes victimes de violences sexuelles dans les zones de conflit, milite depuis plusieurs années pour une justice transitionnelle en RDC. Il a régulièrement plaidé pour la mise en place d’un tribunal pénal international pour juger les crimes commis dans l’est du pays, y compris sous les régimes successifs.
Dans ses récentes prises de parole, Dr Mukwege appelle à une refondation morale et démocratique de l’État congolais, fondée sur la vérité, la justice et la réparation.
Sa sortie intervient dans un contexte politique incertain, marqué par une forte désillusion citoyenne face à la gouvernance actuelle, une insécurité persistante dans l’est, et des spéculations croissantes sur les ambitions futures de plusieurs figures de l’ancien régime.
Pour beaucoup d’observateurs, les propos du Dr Mukwege ravivent un débat crucial en RDC : peut-on envisager un avenir démocratique sans rendre justice au passé ?
