Il y a une semaine, la nouvelle faisant état d’une main tendue du pouvoir de Kinshasa de nommer le Dr Dénis Mukwege Informateur pour rechercher la majorité parlementaire en vue de la formation d’un nouveau gouvernement, a émaillé le débat dans les réseaux sociaux ainsi que plusieurs médias nationaux et internationaux. D’aucuns attendaient la réponse de l’intéressé mais sans succès. Dès lors, rien ne filtre de la part du pouvoir. Trouver la personnalité à confier cette mission parait comme une amnésie furtive si non un mystère. Dans une analyse au journal Kivuavenir.com, le Professeur Alphonse Maindo membre du collectif des intellectuels congolais, pense qu’il s’agit d’un essoufflement du pouvoir au regard d’ « un accord secret » entre le Chef de l’Etat entrant et son prédécesseur.
« Les proches, les fake news font partie de notre décor politico-social. …le contexte sociopolitique de l’occurrence de ces fake news [sollicitation et réponse de l’intéressé] à indiquer qu’il ne s’agit probablement pas de simples informations fallacieuses de quelques amateurs. En effet, Félix Tshisekedi a été dramatiquement propulsé au sommet de l’Etat contre toute attente et le bon sens après des négociations avec le Président Joseph Kabila, au détriment du vainqueur plébiscité, Martin Fayulu. Leur accord étant secret, les spéculations sont allées dans tous les sens sur son contenu. Mais depuis l’investiture du nouveau locataire du Palais de la Nation, l’accord montre des signes d’essoufflement ou au moins des fissures graves, dissimulant mal l’interprétation différenciée du pouvoir présidentiel de nomination d’un informateur ou d’un formateur », estime le Prof Maindo.
A l’en croire, ce désaccord semble si fort que « l’ancien » locataire du Palais de la Nation a jugé utile de recourir aux grands moyens ; des signes qu’il n’est pas parti s’il faut rappeler, ici, la fameuse phrase qu’il prononça vers ses homologues « à bientôt » à la place d’un adieu.
« Aux grands maux des grands remèdes, dit-on. Il a repris sa tenue militaire au drapeau de la RDC pour ses sorties publiques, d’abord pour aller parler directement à son « successeur » désigné, ensuite pour rassembler sa famille politique en deux temps (à Kingakati pour les chefs des regroupements politiques et au parc de la N’sele pour les députés provinciaux et nationaux Front Commun pour le Congo). Il ne reste plus qu’à laisser pousser la barbe et les cheveux longs du révolutionnaire, du révolté qu’il avait arboré longtemps lorsque la nation toute entière et le monde exigeaient son départ de la tête du pays. Le message est clair : il n’est pas parti, il est là et entend rester le chef –et le chef militaire ! Question, il veut rester le chef militaire pour mener quelle guerre contre quelles forces ? S’il agit ainsi, c’est qu’il se considère toujours comme l’héritier légitime du Royaume Dramatique du Congo dont il demeure le souverain ultime qui peut déléguer et retirer le pouvoir à qui il veut. D’où la fragilité du pouvoir de son « successeur » formel qui n’a d’autre légitimité que celle lui conférée par son mentor », redoute-t-il.
Et pourquoi ? tout se fait au laboratoire du régime sortant dans le seul objectif de revenir aux affaires.
« Fraus omnia corrumpit signifiant la fraude corrompt tout, disent les latinistes. Rentrer au pouvoir par la fraude corrompt tout et limite donc la marge de manœuvre du fraudeur acculé à redoubler d’imagination pour faire oublier sa forfaiture et se créer un semblant de légitimité. […] La proclamation et l’investiture de Tshisekedi se sont passées dans la quasi-indifférence générale, sans euphorie populaire pour une nation ayant exprimé sans ambages une volonté forte de changement politique réel. Il n’y a pas eu non plus des violences populaires postélectorales graves tant redoutées. Ce mutisme populaire inquiète beaucoup tant il s’apparente à un calme avant la tempête ou au sommeil d’un volcan actif qui peut rentrer en éruption à tout moment », note-t-il.
Pour ce membre du collectif des intellectuels congolais lanceurs d’alerte, la nation paraît parée à vivre la chronique d’un drame annoncé dont la trame ressemble terriblement à une série noire de science fiction tant le pays qui a tout pour réussir et se hisser parmi les plus grandes nations africaines, voire mondiales, se retrouve au rez-de-chaussée des nations. Son histoire est une succession des rendez-vous manqués dont le dernier épisode est le processus dit électoral visant la désignation de nouveaux représentants (gouvernants et représentants). Ce processus était tout sauf des élections avec un chaos organisé. Le perdant a été proclamé président après des négociations bipartites par lesquelles le CACH (cap pour le changement) de Vital Kamerhe et Félix Antoine Tshilombo ont cacheté le FCC pour assurer la continuité d’un régime agonisant.
Alors l’arrêt de la Cour Constitutionnelle conférant au Président Félix le pouvoir de Chef de l’Etat, le Professeur voit plutôt un Président souffrant d’un déficit de légitimité.
« Malgré l’estampillage [alternance politique] par le parti fils aîné de l’opposition politique, le président négocié souffre d’un déficit congénital et chronique de légitimité malgré le semblant de légalité que la cour constitutionnelle lui a ignominieusement conférée. L’histoire se serait arrêtée là si le président négocié ne cherchait à tout prix à montrer qu’il est chef d’une nouvelle dynastie à la tête de l’Etat alors que tout indique que le vrai maitre des lieux et du jeu n’a pas changé », souligne-t-il.
Au niveau du parti présidentiel qu’est l’UDPS, ce sont des agissements tendant à la trahison dudit accord.
« L’UDPS décapitée pour la survie et la perpétuation de la dynastie Kabila s’agite pour tenter de montrer qu’elle n’est pas morte. Cela ressemble fort à la reproduction de la mante religieuse. […] Il va sans dire que pour survivre, le mâle doit s’interdire toute copulation. Or, la tentation de la jouissance est si forte qu’aucun mâle ne résiste à la femelle qui finit par le bouffer pour lui donner une progéniture. L’agitation actuelle dans les milieux politiques de l’UDPS témoigne d’une quête effrénée de légitimité et d’une tentative d’émancipation au risque de trahir les engagements pris. Il y a presque un devoir d’ingratitude dans le chef de l’UDPS si elle veut survivre à cet accord. Les stratèges de l’UDPS n’ont pas de répit et ne tarissent pas d’imagination pour se tirer de cette mauvaise passe », soutient le Professeur déplorant, par ailleurs, les multiples sorties du nouveau Chef de l’Etat à l’étranger sans succès.
« Le nouveau locataire du pouvoir suprême multiplie des annonces, souvent fantaisistes et farfelues, et des voyages à l’étranger pour s’assurer une reconnaissance internationale et attirer des investisseurs et des partenaires qui lui donneraient de la crédibilité. Sans beaucoup de succès jusqu’ici. Dès lors, il n’est pas exclu que la fausse nouvelle – qui a fait du buzz sur la toile et dans les médias indiquant que le président nommé aurait jeté son dévolu sur le Prix Nobel 2018, le très distingué Professeur Dr Denis Mukwege, dont la reconnaissance et la réputation dépassent largement celles de son pays, le Royaume Dramatique du Congo (RDC)- soit l’œuvre du cabinet du Président Tshisekedi », articule cet intellectuel congolais enseignant à l’Université de Kisangani.
Le Professeur Alphonse Maindo, croit que le Prix Nobel congolais ne pourrait, en aucun cas, tomber dans le filet du CACH moins du FCC.
« Rallier une telle personnalité à sa cause serait une bouée de sauvetage inestimable. Or, une telle prise reste inespérée au regard de la droiture de cette colombe immaculée du Congo. Le cabinet présidentiel ne risquerait pas donc de faire un tel montage sachant qu’il serait désavoué par l’intéressé. Ceci dit, il est fort probable que l’un ou l’autre membre du cabinet ait lancé un ballon d’essai pour voir si Mukwege pourrait mordre à l’hameçon comme nombre de Congolais. Relevant de la rumeur, le Président n’en paierait pas le coût politique en cas de dénégation. La manœuvre serait bien calculée dans le cabinet du nouveau président. Dans ce cas, elle viserait à pousser le FCC à faire des concessions en faisant passer un message selon lequel le Président négocié peut et entend bien utiliser ses prérogatives constitutionnelles pour désigner une grande personnalité comme informateur du gouvernement et susceptible de fédérer les députés de tous bords et ainsi affranchir le président de l’étouffement politique », argumente-t-il.
D’aucuns pourraient aussi lire dans cette affaire de fake news sur « l’informateur Mukwege » une maladresse ou l’indice d’une infiltration du cabinet de Tshisekedi par son « prédécesseur ». Enfin, un observateur avisé de la politique congolaise peut y voir un signe de la préparation de l’opinion à un gouvernement FCC au prétexte que le meilleur des Congolais aurait refusé d’identifier et, partant, de diriger le premier gouvernement nommé par Félix Antoine Tshisekedi, renchérit Maindo.
L’on se demanderait, selon cet intellectuel de renom, pourquoi le pouvoir n’est pas allé tout droit auprès du Dr Mukwege pour un face-à-face ou, du moins, s’adresser à son cabinet pour cette offre. Certes, croit-il, le Prix Nobel étant fort sollicité mais ne mordrait jamais à l’hameçon.
« …Hypothèse fort probable quand on regarde la déclaration de refus prêtée au champion congolais de la paix. Dans une interview prétendument accordée à la Deutsch Welle, « l’homme qui répare les femmes » aurait rejeté cette offre politique imaginaire. Pour rendre crédible la fake news, ils ont fait un vrai travail de professionnel en choisissant un organe de presse international crédible mais peu suivi en RDC et des propos dans un style ressemblant merveilleusement à celui du Dr Mukwege. Le choix d’un média n’est pas anodin, les mots utilisés non plus. Problème, sur le site de la Voix de l’Allemagne, rien de tel, pas plus que chez les concernés eux-mêmes. Contactés, le cabinet du « réparateur des femmes» affirme n’avoir jamais été contacté (encore moins le Docteur lui-même) ni par le Président ni par son cabinet. Pourquoi le cabinet du Prix Nobel n’a-t-il pas alors démenti la fake news ? Quand on imagine le nombre de fausses nouvelles circulant dans les réseaux sociaux, on peut aisément comprendre qu’il a bien d’autres choses à faire que de passer toute la vie à les démentir. Il a bien mieux à faire : s’occuper de l’œuvre humanitaire et tenir des engagements internationaux du Prix Nobel qui est très sollicité sur plusieurs scènes de combat », surenchérit-t-il.
Au regard de ces fake news sur l’informateur du gouvernement peuvent provenir de « l’ancien » Président et/ou son entourage, deux hypothèses sont possibles, estime-t-il. (1) D’abord, il s’agirait de galvaniser les troupes en montrant que le partenaire de la fraude électorale n’est pas fiable car il chercherait ailleurs d’autres alliés de taille considérable pour se passer du FCC. Dès lors, il faudrait rester soudé autour de son autorité morale comme un seul homme pour survivre collectivement. La fake news de refus de Mukwege apparait alors comme un heureux coup de chance et appelle à une plus grande vigilance et une discipline rigoureuse. (2) il y a l’hypothèse de piéger le nouveau venu pour le faire chanter au motif qu’il tenterait de violer les accords dans un contexte où il semble y avoir blocage autour de la formation du gouvernement. Le FCC a d’ailleurs rappelé maintes fois disposer d’une majorité parlementaire claire, indiquant qu’il n’y avait donc pas besoin de désigner un informateur pour l’identifier. Le CACH, en revanche, clame à qui veut l’entendre et prétexte qu’aucun parti politique n’a la majorité pour gouverner. Donc, nécessité de passer par une mission d’information. Ces dissensions sont du reste étalées sur la place publique, obligeant à l’occasion « l’ancien » Président à troquer son costume cravate et ses lunettes de loisir contre la tenue militaire pour rappeler qu’il entend résister, se défendre comme un militaire, qu’il est un combattant aguerri, etc.
Le Professeur Dr Dénis Mukwege, désormais incontournable dans la recherche de la Paix non seulement au Congo démocratique mais aussi ailleurs, serait ainsi aperçu comme « un réparateur du grand malade qu’est le Congo, bien-sûr dans le respect fidèle au serment d’Hyppocrate.
« Denis Mukwege se retrouve ainsi au cœur du jeu et des enjeux politiciens malgré lui, victime de sa réputation nationale, de sa probité et de sa renommée mondiale. Il est devenu un plat qui va se cuisiner à toutes les sauces. Il doit désormais, avec son cabinet, s’attendre à de nombreuses autres fake news comme celles de ce premier weekend de mars, mois de la femme ! Est-ce prémonitoire pour celui qui a été doublement primé en 2018 : Prix Nobel de la Paix pour son travail humaniste de réparation des femmes victimes des violences au Congo ; meilleur ambassadeur de la femme par les Femmes d’Influence ? L’avenir nous le dira. En attendant, je prends acte que le Prix Nobel est devenu incontournable dans les affaires congolaises, on voit son ombre partout, on veut le voir réparer le grand malade qu’est le Congo. Mais, le réparateur est un homme de principes et de grande foi, il ne cherche pas le pouvoir, il se sert de son pouvoir de guérison et de réparation, par fidélité à son serment d’Hyppocrate. Il entend poursuivre cette œuvre et la transmettre à des jeunes générations. Il est au service du bien-être de la femme et, partant, de la nation congolaise. Bien mieux, il ne ménage aucun effort pour transformer, de l’extérieur, le système déshumanisant en place dans son pays. S’il devait jouer un rôle officiel, ce serait certainement dans un environnement politique assaini, dans un combat loyal et un processus transparent. Qu’on le tienne pour dit ! », conclu le Professeur Alphonse Maindo.
La Rédaction
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