Le président rwandais Paul Kagame a livré une analyse lucide et critique de l’état des efforts diplomatiques visant à résoudre la crise sécuritaire entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, lors d’un panel de haut niveau au Africa CEO Forum à Abidjan.
Interrogé sur les différentes initiatives de paix en cours, le président Kagame a déclaré :
« Je pense qu’il y a plusieurs efforts en cours en même temps. C’est le problème. Et même celui dont nous parlons, qu’il s’agisse du Qatar ou des États-Unis, nous ne pouvons pas dire que nous avons réussi. Tout le monde essaie. »
Ces propos interviennent alors que l’est de la RDC continue d’être le théâtre d’un conflit meurtrier impliquant l’armée congolaise, des groupes armés locaux, et le mouvement rebelle M23, que Kinshasa accuse d’être soutenu par Kigali – ce que le Rwanda dément régulièrement. Les tensions diplomatiques entre les deux pays sont vives, avec des accusations mutuelles d’ingérence, de soutien à des groupes hostiles et de provocations militaires.
Multiplication des médiations, efficacité réduite
Depuis plusieurs mois, de nombreux acteurs internationaux ont tenté de jouer les médiateurs. Le Qatar a accueilli des pourparlers discrets entre émissaires rwandais et congolais, tandis que les États-Unis ont envoyé des diplomates de haut rang pour tenter de désamorcer les tensions. D’autres tentatives, notamment celles de l’Union africaine, de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) et des Nations unies, sont également en cours.
Mais selon Kagame, cette profusion d’initiatives crée de la confusion :
« Il y a des chevauchements, parfois des contradictions, et peu de coordination entre les différents processus. Cela finit par affaiblir les chances de parvenir à une solution durable. »
Une crise régionale à ramifications multiples
Le conflit entre la RDC et le Rwanda dépasse le simple cadre bilatéral. Il s’inscrit dans une dynamique régionale plus large, où s’entremêlent les intérêts politiques, économiques, ethniques et sécuritaires. Le rôle des groupes armés étrangers comme les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), considérés comme une menace majeure par Kigali, et les ambitions géopolitiques autour des ressources minières du Kivu compliquent davantage les négociations.
Kagame semble suggérer que tant que les acteurs régionaux et internationaux ne parviendront pas à parler d’une seule voix et à harmoniser leurs efforts, la crise continuera de s’enliser :
« Tout le monde essaie, oui, mais parfois sans la même information, sans les mêmes objectifs, ou sans confiance mutuelle. »
Un appel à la clarté et à la volonté politique
En filigrane, le président rwandais invite à une refondation de la diplomatie autour de cette crise, fondée sur une vision claire, des objectifs communs, et un dialogue franc entre les parties. Cela implique aussi une plus grande volonté politique de la part de Kinshasa, souligne-t-on du côté rwandais, où l’on reproche au président Félix Tshisekedi de s’appuyer sur la rhétorique anti-rwandaise à des fins politiques internes.
Alors que les tensions militaires restent vives et que les populations civiles continuent de payer un lourd tribut, les propos de Paul Kagame rappellent que la paix dans la région ne pourra pas être imposée de l’extérieur, ni fragmentée entre trop d’interlocuteurs concurrents. Il faudra, tôt ou tard, un cadre unifié, des engagements sincères, et une approche régionale inclusive.