« Je vous avais dit ici que Kabila est sérieux, c’était une façon de le caresser (…) On a mangé avec lui, on a habité avec lui. Nous avons pris le risque d’aller chez l’ennemi. J’étais avec lui à Kingakati, à GLM… Tout ça, ce n’était pas parce qu’on l’aimait. On savait très bien que nous avions à faire à un sujet rwandais. »
Ces propos, tenus avec une rare franchise, jettent une lumière crue sur la tactique politique déployée par l’UDPS à l’époque de la transition entre le régime Kabila et l’accession de Félix Tshisekedi au pouvoir en 2019. Ils soulignent surtout une véritable stratégie d’infiltration et de prudence dans un contexte politique tendu, où les alliances étaient plus tactiques qu’idéologiques.
Kingakati : symbole d’une cohabitation prudente
Kingakati, la résidence privée de Joseph Kabila, a longtemps été le théâtre de discussions secrètes, de négociations politiques et de tractations sur fond de méfiance mutuelle. Si la coalition FCC-CACH avait été présentée au public comme une alliance pour la stabilité, elle était, selon les propos de Kabuya, davantage une stratégie de “proximité maîtrisée avec l’ennemi”.
À travers ses mots, Augustin Kabuya laisse entendre que l’UDPS avait pleinement conscience de la menace que représentait Joseph Kabila, non seulement comme adversaire politique, mais aussi comme acteur aux affiliations douteuses, notamment avec le régime de Kigali.
Des accusations lourdes de sens
Qualifier un ancien chef d’État de « sujet rwandais » en RDC n’est pas anodin. Dans un pays meurtri par les ingérences extérieures, notamment rwandaises, cette accusation réveille de vieux traumatismes. Depuis plus de deux décennies, la présence et l’implication du Rwanda dans les conflits de l’Est sont largement documentées. Accuser Kabila d’être un relais ou un produit de cette influence revient à jeter une suspicion permanente sur les deux décennies de son pouvoir.
Ces propos d’Augustin Kabuya semblent aussi justifier a posteriori l’attitude prudente de l’UDPS, qui a cohabité avec l’ancien régime tout en se préparant à le neutraliser politiquement. Kabuya admet implicitement que cette cohabitation était une forme de ruse, une manière d’approcher l’ennemi pour mieux comprendre et contrer ses mécanismes de contrôle.
Des vérités qui dérangent, à l’heure de l’AFC/M23
Cette sortie intervient dans un climat politique particulièrement sensible, marqué par la montée en puissance de l’AFC/M23, une coalition politico-militaire dirigée par Corneille Nangaa mais que beaucoup soupçonnent d’être le bras armé d’une frange de l’ancien système kabiliste.
En qualifiant ouvertement Kabila de “sujet rwandais”, Augustin Kabuya alimente la thèse selon laquelle l’insécurité actuelle dans l’Est du pays serait en partie orchestrée par les réseaux que l’ancien président aurait mis en place. Il sous-entend ainsi que les événements actuels sont la suite logique d’un plan de longue haleine visant à conserver l’influence, malgré l’alternance démocratique de 2019.
Vers une clarification historique ?
Les propos de Kabuya pourraient ouvrir une nouvelle ère de discours politique en RDC : celle de la vérité brutale, sans détours, sur les alliances passées. Si ses mots font déjà le tour des réseaux sociaux et provoquent un vif débat, ils appellent aussi à une réévaluation historique du rôle de Joseph Kabila dans la construction de l’État congolais post-Laurent-Désiré.
Les Congolais, longtemps laissés dans le flou entre propagande, diplomatie et realpolitik, réclament de plus en plus la vérité sur ceux qui ont réellement tiré les ficelles du pouvoir, et sur les conséquences de ces alliances sur l’avenir du pays.




















































