Zuma, qui a dirigé l’Afrique du Sud de 2009 à 2018, a été accueilli chaleureusement à son arrivée à Accra par les responsables de l’université, des étudiants et plusieurs dignitaires. Son intervention a porté sur l’avenir économique de l’Afrique dans un contexte mondial en mutation, mettant en avant l’urgence d’une indépendance financière qui compléterait la libération politique du continent.
Cette visite de Jacob Zuma à l’UPSA souligne l’importance de l’éducation dans la lutte pour l’indépendance économique du continent.
Dans son discours, Zuma a dénoncé la dépendance persistante de l’Afrique au dollar américain et aux autres devises étrangères pour ses échanges commerciaux, estimant qu’elle fragilise la souveraineté économique et maintient le continent sous influence extérieure.
Zuma a également évoqué le rôle crucial que doit jouer l’UPSA dans la formation des futurs leaders africains capables de naviguer dans l’économie mondiale.
« Chaque fois que nous commerçons en dollars, en euros ou en livres sterling entre nous, nous cédons une part de notre indépendance. L’Afrique ne peut être libre tant que ses systèmes financiers restent liés aux structures mêmes qui nous ont colonisés. L’UPSA doit être à l’avant-garde de cette lutte pour la souveraineté économique », a-t-il déclaré devant un auditoire attentif.
Il a insisté sur le fait qu’une monnaie africaine unique réduirait les coûts de transaction, stabiliserait les marchés et accélérerait le succès de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), projet phare de l’Union africaine visant à créer le plus grand espace de libre-échange du monde.
La Conférence annuelle sur le leadership de l’UPSA s’impose désormais comme l’un des principaux forums de dialogue en Afrique de l’Ouest, réunissant responsables politiques, universitaires, décideurs publics et étudiants. Les éditions précédentes ont accueilli des figures de premier plan issues des sphères diplomatique, économique et académique.
L’édition 2025 a attiré des centaines de participants, dont des représentants gouvernementaux, des acteurs du secteur privé et des observateurs internationaux. Le vice-chancelier de l’UPSA, le professeur Abednego F. Okoe Amartey, a souligné l’importance de la présence de Zuma, rappelant que l’objectif de cette conférence n’est pas seulement d’échanger des idées, mais aussi de préparer la jeunesse africaine à repenser les modèles de leadership et de développement.
Une vision panafricaine assumée
Bien que l’héritage politique de Jacob Zuma en Afrique du Sud reste controversé, marqué par des scandales de corruption et des difficultés économiques, son discours panafricaniste continue de trouver un écho sur le continent.
À Accra, il a inscrit son plaidoyer dans la continuité historique, évoquant l’héritage des pères fondateurs de l’indépendance africaine. Il a rappelé que l’unité et l’autonomie économique constituaient le cœur de la vision panafricaine défendue par Kwame Nkrumah, premier président du Ghana.
« Kwame Nkrumah nous a dit que la liberté politique sans la liberté économique est incomplète. Aujourd’hui, nous devons achever cette tâche inachevée en bâtissant des systèmes africains — banques, plateformes d’échanges, et finalement une monnaie unique — qui garantiront notre dignité et l’avenir de nos enfants », a souligné Zuma.
Le choix d’Accra comme lieu de ce plaidoyer a une portée symbolique forte. Le Ghana occupe une place particulière dans l’histoire du panafricanisme, ayant été en 1957 le premier pays d’Afrique subsaharienne à accéder à l’indépendance sous la direction de Nkrumah.
Dès cette époque, Accra s’est imposée comme un centre des mouvements de libération et un lieu de rencontre pour les penseurs et militants de l’unité africaine. L’Organisation de l’unité africaine (OUA), ancêtre de l’actuelle Union africaine (UA), s’inspire largement de ces idées. Nkrumah plaidait déjà pour des « États-Unis d’Afrique » dotés d’une monnaie commune, d’une armée et d’une politique étrangère unifiées.
En lançant son appel à la monnaie unique depuis Accra, Zuma s’inscrit dans cette continuité historique et donne un écho contemporain au rêve de Nkrumah, reliant l’héritage de la libération africaine aux débats économiques actuels.
À lire aussi en anglais
Former South African President Jacob Zuma in Ghana for UPSA 8th Annual Leadership Lecture
Les experts présents ont reconnu que l’instauration d’une monnaie unique africaine demeure un défi colossal. Harmoniser les politiques budgétaires et monétaires de 55 pays aux réalités économiques très différentes représente une tâche complexe. Toutefois, des expériences régionales comme la zone franc CFA en Afrique de l’Ouest ou les projets d’intégration monétaire de la Communauté d’Afrique de l’Est montrent qu’une avancée progressive est envisageable.
Zuma a exhorté les dirigeants africains à faire preuve de volonté politique et de vision :
« Si l’Europe, malgré ses guerres et ses divisions, a pu créer l’euro, pourquoi l’Afrique, avec son histoire commune et son destin partagé, ne pourrait-elle pas bâtir sa propre monnaie ? » a-t-il lancé.
La 8e Conférence annuelle sur le leadership de l’UPSA a confirmé le rôle croissant de cette université comme carrefour d’idées et de débats pour l’avenir du continent. Pour de nombreux étudiants et jeunes professionnels présents, l’appel de Zuma à la souveraineté financière a été reçu comme un défi mais aussi une source d’inspiration.
Alors que les discussions sur l’intégration économique africaine se poursuivent, l’intervention de l’ancien président sud-africain au Ghana a relié le passé au futur, rappelant que les rêves inachevés de Nkrumah et des autres leaders de l’indépendance attendent encore une nouvelle génération pour se concrétiser.
En outre, plusieurs intervenants ont souligné que des initiatives concrètes sont déjà en cours pour rapprocher l’Afrique de cette vision. L’Union africaine, à travers l’AfCFTA, a lancé le Système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS), qui permet aux entreprises et particuliers de réaliser des transactions commerciales transfrontalières en utilisant les monnaies locales, sans passer par le dollar ou l’euro.
Bien qu’il ne s’agisse pas encore d’une monnaie unique, ce mécanisme représente une étape importante vers l’intégration financière du continent, facilitant les échanges intra-africains et réduisant la dépendance aux systèmes financiers occidentaux. Pour beaucoup, le PAPSS pourrait constituer le socle technique sur lequel bâtir, à terme, une véritable monnaie continentale.