Les résultats des sénatoriales du 15 mars dernier, comme une pilule difficile à avaler, ont du mal à être acceptés par toute l’opinion publique en République démocratique du Congo. Ces élections, « entachées de corruption » selon l’opinion, pourraient être annulées en vue de l’organisation des élections crédibles, transparentes et acceptables par tous. Telle est la lutte engagée depuis la suspension par la présidence de la République de l’installation de cette Chambre parlementaire.
Cette décision présidentielle vient d’être soutenue par le Constitutionnaliste André Mbata qui appelle la Commission électorale nationale indépendante (CENI) à annuler les résultats des scrutins du 15 mars et à publier un nouveau calendrier pour les sénatoriales l’élection des gouverneurs et vice-gouverneurs et cela, après la clôture des enquêtes en cours par la Justice congolaise pour fait de corruption.
Dans sa correspondance adressée au Président de la CENI, portant Retrait de la Décision No 037/BUR/19 CENI du 15 mars 2019, le professeur André Mbata fonde sa requête sur deux raisons notamment l’ambiance de corruption dans laquelle se sont déroulées les sénatoriales et la violation de la constitution en ses Articles 112 (deux derniers alinéas) et 160 (alinéa 2) que le peuple ne saurait tolérer.
« Le peuple congolais qui entendait établir un Etat de droit en adoptant par référendum la Constitution du 18 février 2006 n’accepterait pas que le Président de la République qui représente la Nation (Article 74), le Gouvernement et la Police nationale ainsi que les services de sécurité à son service (Article 91) laissent passer une telle rébellion contre la loi fondamentale de l’Etat aggravée par la corruption lors de l’élection des Sénateurs, des Gouverneurs et Vice-gouverneurs de Province », souligne le Spécialiste en Droit constitutionnel.
Ci-dessous la correspondance du Prof
Transmis copie pour information à :
Monsieur le Président de la République Démocratique du Congo
à Kinshasa/Gombe & Ngaliema
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale
Monsieur le Président du Sénat
Monsieur le Premier Ministre
Monsieur le Président de la Cour Constitutionnelle
Monsieur le Procureur général près la Cour constitutionnelle
Monsieur le Président de la Cour de Cassation
Monsieur le Procureur général près la Cour de Cassation
Monsieur le Président du Conseil d’Etat
Monsieur le Procureur général près le Conseil d’Etat
Monsieur le Ministre de la Justice
Messieurs les Membres du Bureau de la CENI
Messieurs les Membres de l’Assemblée Plénière de la CENI
(TOUS) à KINSHASA/GOMBE
Monsieur le Secrétaire Général du Sénat
à KINSHASA/LINGWALA
A Monsieur Corneille NANGAA YOBELUO
Président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI)
République Démocratique du Congo
KINSHASA/GOMBE
Objet : Retrait de la Décision No 037/BUR/19 CENI du 15 mars 2019 portant proclamation des résultats provisoires de
l’élection des Sénateurs et Réaménagement du calendrier des élections des Sénateurs, des Gouverneurs et
Vice-gouverneurs de Province
Monsieur le Président,
Nous avons l’honneur de venir par la présente auprès de vous pour solliciter,
avant le 30 mars 2019, le retrait de la Décision No 037/BUR/19 CENI du 15 mars 2019 portant proclamation des résultats provisoires de l’élection des Sénateurs et le réaménagement du calendrier des élections des Sénateurs, des Gouverneurs et Vice-gouverneurs de Province pour vous conformer à la Constitution et aux lois de la République Démocratique du Congo (RDC).
Deux raisons majeures justifient la demande du retrait de la Décision portant proclamation des résultats provisoires de l’élection des Sénateurs intervenue le 14 mars 2019 dans la Ville de Kinshasa et les 25 Provinces de la RDC.
La première raison est que, comme l’avaient déjà souligné le Procureur général près la Cour de cassation qui avait demandé le report de cette élection et le Président de la République, qui avait ordonné la suspension des résultats provisoires lors de la réunion interinstitutionnelle qu’il avait présidée le lundi 18 mars 2019 et à laquelle vous aviez participé, cette élection s’était déroulée dans une ambiance de corruption à ciel ouvert sans précédent dans l’histoire de la RDC. Plusieurs Députés provinciaux et candidats Sénateurs l’ont reconnu. Certains candidats s’étaient retirés de cette élection tandis que d’autres avaient saisi les instances judiciaires compétentes.
La corruption affecte toutes les institutions du pays, y compris la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Il s’agit d’un crime sévèrement puni par les lois nationales et les conventions internationales et qui ne saurait donc être toléré. La corruption lors des élections des Sénateurs, des Gouverneurs et Vice-Gouverneurs de Province tend à jeter l’opprobre sur les exécutifs provinciaux et le Sénat qui en sont l’émanation.
La seconde et plus importante raison du retrait de votre décision est d’ordre constitutionnel. Elle tient au fait que l’élection des membres des Bureaux définitifs des Assemblées provinciales et celle des Sénateurs avaient été organisées en violation de la Constitution du pays, plus spécialement des Articles 112 (deux derniers alinéas) et 160 (alinéa 2) relatifs aux deux Chambres parlementaires (l’Assemblée nationale et le Sénat) et qui s’appliquent mutatis mutandis aux Assemblées provinciales, et au mépris de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle (et celle de la CENI), avant même que la Cour n’ait déclaré les règlements intérieurs de ces Assemblées provinciales conformes à la Constitution de la République.
D’une élection organisée par la CENI dans une ambiance de corruption généralisée et en violation de la Constitution ne peut légalement émaner un Sénat crédible dont la mission principale serait de voter les lois, contrôler le Gouvernement, les entreprises publiques ainsi que les établissements et les services publics et qui forme le Parlement avec l’Assemblée nationale (Article 100). Dans ces conditions, toute personne étant tenue de respecter la Constitution et les lois de la République (Article 62), surtout quand elle est au service de l’Administration publique qui dépend du Gouvernement (Article 91) qui fait partie du pouvoir exécutif dirigé par le Président de la République qui assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions ainsi que la continuité de l’Etat (Article 69) et qui, avant son entrée en fonction, avait juré solennellement devant Dieu et la Nation d’observer et de défendre la Constitution et les lois de la République (Article 74), la CENI qui a toujours clamé son indépendance et devrait respecter l’indépendance ou l’autonomie d’autres institutions ou organes de l’Etat ne devrait pas inutilement laisser courir le temps. Quelle que soit sa durée, le temps que l’aimerait mettre à profit ne saurait effacer ni couvrir l’inconstitutionnalité !
Ainsi, après avoir organisé l’élection des Sénateurs en violation de la Constitution et réussi à amener les Assemblées provinciales à violer à leur tour la loi suprême du pays en participant à cette élection avant les Arrêts de la Cour sur la constitutionnalité de leurs règlements intérieurs, la CENI ne devrait pas compter sur la Constitution qu’elle-même n’a pas respectée en organisant l’élection pour contraindre le Secrétaire général du Sénat à convoquer la session d’ouverture de la seconde Chambre du Parlement. Le Secrétaire général du Sénat faillirait à sa mission et se rendrait coupable d’une faute disciplinaire lourde s’il devait se laisser instrumentaliser par la CENI et les forces du status quo ou induire en erreur par une mauvaise (littérale) interprétation de l’article 114 de la Constitution. Il devrait donc s’abstenir de convoquer la séance d’ouverture de la session extraordinaire du Sénat le quinzième jour de la proclamation des résultats provisoires d’une élection organisée en violation de la constitution.
Le peuple congolais qui entendait établir un Etat de droit en adoptant par référendum la Constitution du 18 février 2006 n’accepterait pas que le Président de la République qui représente la Nation (Article 74), le Gouvernement et la Police nationale ainsi que les services de sécurité à son service (Article 91) laissent passer une telle rébellion contre la loi fondamentale de l’Etat aggravée par la corruption lors de l’élection des Sénateurs, des Gouverneurs et Vice-gouverneurs de Province. Les Présidents de la Cour constitutionnelle, de la Cour de cassation, du Conseil d’Etat et les Procureurs généraux près ces Cours ne devraient pas non plus rester indifférents.
Le Secrétaire général du Sénat est averti. Il en est de même des Sénateurs proclamés provisoirement élus par la CENI dans les conditions décrites ci-haut et qui seraient entêtés par leurs partis politiques pour ignorer la suspension des résultats de leur élection par le Président de la République en participant à l’ouverture d’une session extraordinaire du Sénat le 30 mars 2019 qui serait le quinzième jour de la proclamation des résultats par la CENI!
Comme son Président n’a cessé de le clamer, urbi et orbi, parfois à temps et à contretemps au point de frustrer d’autres institutions, l’article 211 de la Constitution de la RDC garantit l’indépendance de la
CENI. Toutefois, cette indépendance n’est pas absolue. Elle ne saurait pas non plus être supérieure à l’indépendance d’autres organes comme ceux du pouvoir judiciaire (Article 149), encore moins à celle de l’Etat (Article 1) dont la CENI n’est qu’une institution. Etant leur créature, la CENI n’est pas au-dessus de la Constitution et des lois. L’impératif du parachèvement du cycle électoral n’autorise pas la CENI à conduire le processus électoral en marge de la Constitution et des Lois de la RDC, ce qui comporte de graves conséquences pour ses actes et ses animateurs.
Monsieur le Président,
A moins de trois mois de la fin de votre mandat, nous espérons que vous ferez de votre mieux pour vous démarquer tant soit peu de vos prédécesseurs. Vous-même et certains membres de votre Bureau devriez éviter d’entrer dans l’histoire de la RDC comme des dirigeants arrogants et insolents qui se seraient complus dans la violation de la Constitution et des lois de la République, y compris la Loi organique et le Règlement intérieur de la CENI, en se fondant sur une indépendance mal comprise et assumée de leur institution.
En plus du retrait de la décision proclamant les résultats provisoires de l’élection des Sénateurs sur fond d’inconstitutionnalité et de corruption que le Président de la République a eu raison de suspendre en sa qualité de garant du respect de la Constitution et des lois de la République et que le Secrétaire général du Sénat devrait superbement ignorer, la CENI avec son Bureau, son Assemblée plénière et son Administration servis par plusieurs juristes sous votre direction devrait également, le 30 mars 2019 au plus tard, revenir sur sa Décision No 38/BUR/19 CENI du 22 mars 2019 (portant réaménagement du calendrier de l’élection des Gouverneurs et Vice-gouverneurs de Province) pour prendre une décision qui modifie la Décision No 30 /BUR/19 CENI de 29 janvier 2019 et fixe un nouveau calendrier des élections des Sénateurs, des Gouverneurs et Vice-gouverneurs de Province. Ces nouvelles élections et l’installation du Sénat devraient avoir lieu lorsque le Procureur général près la Cour de cassation et les Procureurs généraux près les Cours d’appel de la Ville de Kinshasa et des 25 Provinces de la RDC sous son autorité auront clôturé les investigations ouvertes à charge de toutes les personnes présumées corrupteurs ou corrompus lors de l’élection des Sénateurs organisée par la CENI en mars 2019.
Dans l’espoir que cette requête retiendra votre particulière attention ainsi que celle du Bureau, de l’Assemblée plénière de la CENI et de toutes les autorités qui nous lisent en copie, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la CENI, l’expression de nos sentiments patriotiques.
Prof André MBATA MANGU
Directeur exécutif de l’IDGPA
E-mail : amangu@idgpa.org