Son visage marqué et son discours confus lors de ses dernières sorties médiatiques trahissent une frustration difficile à dissimuler.
Mais ce sont ses propos qui font aujourd’hui polémique. Dans une déclaration inattendue, Kikaya a tenté de justifier le combat du mouvement rebelle M23, le présentant comme une forme de “résistance légitime” contre la “dictature” du président Félix Tshisekedi. Il va jusqu’à établir un parallèle entre cette rébellion armée soutenue par Kigali et l’opposition politique qui s’est dressée à l’époque contre le régime de Joseph Kabila. Une comparaison jugée déplacée, voire choquante, par de nombreux observateurs.
“Le M23 combat aujourd’hui une gouvernance autoritaire, tout comme nous avons eu des opposants qui contestaient notre pouvoir hier. Il faut comprendre ce combat dans ce contexte,” a-t-il déclaré dans une vidéo devenue virale.
Ces propos, lourds de conséquences, interviennent dans un climat de tension extrême dans l’est de la RDC, où les rebelles du M23 continuent de gagner du terrain, avec un soutien avéré — et documenté — de l’armée rwandaise. Le dernier rapport des Nations Unies, accompagné d’une résolution du Conseil de sécurité, appelle explicitement au respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la RDC, tout en pointant la présence de soldats rwandais sur le sol congolais, en soutien actif au M23.
Un déni déconcertant face aux évidences internationales
Malgré cette accumulation de preuves, Kikaya nie en bloc. Il rejette les accusations d’ingérence rwandaise, affirmant qu’aucun élément n’établit avec certitude la présence de militaires de Kigali à Goma, Rutshuru ou Bukavu. Cette posture de négation, en contradiction flagrante avec les conclusions d’enquêtes indépendantes et diplomatiques, laisse perplexe.
Plusieurs diplomates contactés de manière informelle à Washington se disent “surpris par l’attitude incohérente” de Kikaya, qui semble vouloir “réécrire les faits documentés”. Cette stratégie de communication, selon eux, reflète un isolement croissant de la mouvance kabiliste sur la scène internationale.
Un silence lourd de sens du côté de Kabila
L’un des points les plus troublants reste cependant le silence persistant de Joseph Kabila lui-même. Alors que le pays fait face à une agression caractérisée de la part d’un voisin reconnu par les institutions internationales, l’ancien chef de l’État n’a jamais publiquement condamné le Rwanda ni exprimé un soutien clair à l’armée congolaise. Ce silence, renforcé par les prises de position de Kikaya, alimente les spéculations sur d’éventuelles complicités passées ou actuelles entre Kigali et l’entourage de Kabila.
Des voix s’élèvent même pour demander des enquêtes sur les anciens accords militaires et économiques signés entre Kinshasa et Kigali pendant les années Kabila, certains soupçonnant qu’ils pourraient être à l’origine des fragilités actuelles de la RDC à l’Est.
L’ombre de la kabilie continue de planer sur les enjeux sécuritaires du pays. En s’alignant sur un discours qui nie les évidences et en relativisant les exactions du M23, Kikaya bin Karubi ne fait que renforcer l’isolement politique de son camp. Dans un contexte où la RDC cherche à renforcer ses alliances régionales et internationales pour faire face à l’agression du Rwanda, ces déclarations risquent de nuire à toute tentative de consensus national pour la paix.