Alors que le débat sur la forme de l’État refait surface dans le paysage politique congolais, le professeur Gaspard Ngonda Nkoy, constitutionnaliste de renom, tire la sonnette d’alarme sur les risques que représenterait un basculement vers le fédéralisme. Selon lui, une telle option reviendrait à remettre en question les fondements mêmes du consensus national établi lors du dialogue inter-congolais de Sun City.
Un rappel du contexte historique : Sun City, un compromis pour l’unité
Le dialogue inter-congolais de Sun City, tenu entre 2001 et 2003 en Afrique du Sud, fut une étape majeure dans la sortie de la deuxième guerre du Congo. Il a réuni les belligérants, la société civile et les partis politiques pour élaborer une transition politique inclusive. Ce dialogue aboutira à un accord politique fixant les grandes lignes de l’État post-conflit : un État unitaire, fortement décentralisé, garantissant l’unité nationale tout en respectant la diversité des provinces.
C’est ce que le professeur Ngonda appelle le « pacte républicain », un compromis historique entre les différentes forces du pays, visant à maintenir l’intégrité territoriale tout en offrant plus d’autonomie aux provinces. Cette vision sera plus tard intégrée dans la Constitution de 2006.
Un État unitaire décentralisé : un équilibre fragile
La Constitution actuelle de la RDC, adoptée par référendum en 2005 et promulguée en 2006, consacre la RDC comme un État unitaire, mais avec une décentralisation poussée. Ce modèle a été choisi pour répondre aux revendications locales sans pour autant fragmenter l’État.
Pour le professeur Ngonda Nkoy, cet équilibre est le fruit d’un long processus de négociation et de concessions. Aller vers un État fédéral, ce serait, selon ses mots, « tuer le pacte républicain », car cela reviendrait à remettre en cause les compromis douloureusement obtenus à Sun City et inscrits dans la Constitution.
Le fédéralisme : une menace pour la cohésion nationale ?
Certains acteurs politiques, notamment issus de provinces riches en ressources ou se sentant marginalisées, appellent à une transformation de la RDC en État fédéral. Ils estiment qu’un tel système garantirait une meilleure gestion des ressources locales et davantage d’autonomie dans les politiques publiques.
Mais pour le professeur Ngonda, le risque est énorme : fragmentation de l’unité nationale, résurgence des tensions identitaires, voire repli communautaire. Dans un pays aussi vaste, diversifié et encore marqué par des conflits armés, le passage au fédéralisme pourrait aggraver les fractures internes.
Un appel à renforcer la décentralisation, non à la remplacer
Le professeur Ngonda Nkoy ne nie pas les insuffisances dans l’application actuelle de la décentralisation. Il reconnaît que les transferts de compétences et de moyens aux provinces sont souvent inachevés ou mal exécutés. Cependant, pour lui, la solution n’est pas de changer de modèle institutionnel, mais plutôt de renforcer la mise en œuvre de la décentralisation prévue par la Constitution.
Il plaide pour une amélioration du cadre légal, une plus grande efficacité dans la gouvernance provinciale et une transparence accrue dans la gestion des ressources locales. Changer de système reviendrait à ouvrir une boîte de Pandore, avec des conséquences imprévisibles pour la stabilité du pays.
Conclusion : préserver les acquis de Sun City
À travers sa déclaration, le professeur Gaspard Ngonda Nkoy appelle à la prudence. Il invite les décideurs à ne pas céder à la tentation de réponses radicales aux problèmes structurels du pays. Le pacte républicain de Sun City reste, selon lui, le socle de l’État congolais moderne. Le remettre en cause reviendrait à ébranler les fondations de la paix, de l’unité et de la coexistence nationale.