« En signant cet accord, le régime de Kinshasa a remis notre souveraineté nationale entre les mains mêmes des forces d’agression », a déclaré Mukwege. « Il légitime l’occupation et les opérations d’une armée responsable de millions de morts, du viol de centaines de milliers de femmes et du déplacement de communautés entières dans l’Est du Congo. »
L’accord en question, signé à Washington sous la médiation de responsables américains et de l’Union africaine, est censé promouvoir la paix et la stabilité régionale dans la région des Grands Lacs. Il prévoit une série de dispositifs bilatéraux en matière de sécurité, des patrouilles frontalières conjointes, ainsi que des mécanismes de partage de renseignements entre Kinshasa et Kigali.
Cependant, l’absence de certaines exigences clés — notamment le retrait immédiat des Forces de défense rwandaises (RDF) du territoire congolais et le désarmement du groupe rebelle M23 — a suscité une vive indignation au sein de la société civile congolaise, des partis d’opposition et des défenseurs internationaux des droits de l’homme.
La rébellion du M23, que plusieurs rapports des Nations unies estiment soutenue par le Rwanda, a occupé plusieurs zones du Nord-Kivu depuis 2022, contribuant à l’une des pires crises humanitaires au monde. Le Rwanda a toujours nié ces accusations.
Les inquiétudes de Mukwege : la justice ignorée
Pour le Dr Mukwege, qui soigne depuis des décennies les survivantes de violences sexuelles à l’hôpital de Panzi, cet accord ne répond ni aux exigences de justice ni à la nécessité de rendre des comptes aux victimes des interventions rwandaises répétées sur le sol congolais.
« La paix ne peut pas se construire sur l’impunité », a-t-il insisté. « Cet accord ferme les yeux sur des preuves établies depuis longtemps concernant l’implication du Rwanda dans des crimes contre l’humanité commis chez nous. Notre peuple a besoin de justice, pas de silence ni de compromis. »
Mukwege a également critiqué le manque de transparence du processus de négociation, soulignant que des acteurs clés — notamment la société civile et les associations de survivants — ont été écartés des discussions.
À Kinshasa comme dans l’est du pays, des manifestations ont éclaté après l’annonce de la signature. Des militants accusent le gouvernement du président Félix Tshisekedi de capitulation et de trahison. Certains députés ont exigé la convocation d’une séance plénière d’urgence afin d’interpeller le ministre des Affaires étrangères et le chef d’état-major général sur le contenu et les conséquences de cet accord.
« Notre Constitution stipule clairement qu’aucune portion du territoire de la République ne peut être cédée ou placée sous contrôle étranger », a rappelé la députée d’opposition Adèle Kalume. « Quel message envoyons-nous à nos soldats et à nos concitoyens déplacés en concluant des accords avec leurs bourreaux ? »
Silence international et pressions diplomatiques
Alors que les États-Unis et plusieurs pays européens ont salué cet accord comme un pas vers la désescalade, aucun d’eux n’a abordé directement la question du rôle militaire du Rwanda en RDC. Les critiques affirment que les puissances occidentales privilégient la stabilité régionale et la coopération antiterroriste au détriment de la justice et de la souveraineté congolaise.
Mukwege a exhorté la communauté internationale à revoir sa position :
« La vraie paix ne viendra pas de signatures précipitées à l’étranger, mais d’un dialogue national inclusif et de la fin des ingérences étrangères dans nos affaires internes. »
Un appel au peuple
En conclusion, Mukwege a lancé un appel aux citoyens congolais pour qu’ils restent vigilants et mobilisés :
« Nous ne devons pas laisser notre avenir être négocié sans nous. Notre dignité, notre histoire et le sang de notre peuple exigent plus que des poignées de main diplomatiques. »
L’accord n’a pas encore été publié dans son intégralité, et plusieurs clauses essentielles restent encore confidentielles. Pendant ce temps, les combats se poursuivent dans certaines zones de l’est de la RDC, alimentant les doutes sur l’efficacité réelle et la sincérité de l’accord signé à Washington.
Lire la communication de Dr. Denis Mukwege