Élu de Walikale dans la province du Nord-Kivu, ce cadre politique connu pour ses prises de position tranchées a récemment affirmé que le gouvernement de Joseph Kabila aurait versé 66 millions de dollars au Rwanda, non pas pour un effort de guerre, comme certains l’avaient supposé, mais « en forme de circonstance », sans davantage de précisions.
« Le Gouvernement Congolais payait au Rwanda une imprimante somme de 66 millions USD, pas à titre d’effort de guerre mais en forme de circonstance », a déclaré Mishiki.
Un passé lourd entre Kigali et Kinshasa
Les relations entre la RDC et le Rwanda sont historiquement complexes, marquées par la tragédie du génocide rwandais de 1994, suivi de l’afflux massif de réfugiés dans l’est du Congo et du déclenchement de deux guerres régionales impliquant plusieurs États africains. Le Rwanda a été accusé à maintes reprises par les Nations Unies et des ONG d’exploiter les ressources naturelles du Congo via des groupes armés.
Sous le régime de Joseph Kabila (2001–2019), les relations avec Kigali sont passées par plusieurs phases — entre tension, collaboration stratégique, et silence diplomatique. Certaines sources ont longtemps suggéré que des accords secrets ou des arrangements politiques auraient été conclus pour garantir une stabilité relative dans certaines régions de l’Est, notamment via des concessions économiques ou diplomatiques.
La révélation de Mishiki, si elle était confirmée par des documents ou des témoignages officiels, raviverait les soupçons d’une complicité d’État entre Kinshasa et Kigali, dans un contexte où la population congolaise n’a cessé de dénoncer l’inaction face aux groupes rebelles soutenus de l’extérieur.
Une attaque frontale contre l’identité de Kabila
Mais Mishiki ne s’est pas arrêté là. Dans une déclaration encore plus controversée, il a remis en cause l’identité biologique de l’ancien président Joseph Kabila, en appelant à un test ADN.
« La vérité passe aussi par la réalisation d’un test ADN de Joseph Kabila pour confirmer son identité », a-t-il lancé.
Ce propos, lourd de sous-entendus, touche à l’un des débats les plus sensibles de la politique congolaise post-Mobutu : la nationalité et les origines de Kabila. Dès son arrivée au pouvoir en 2001, une partie de la classe politique congolaise a mis en doute sa filiation avec Laurent-Désiré Kabila, assassiné cette même année. Des rumeurs persistantes, mais jamais prouvées, ont circulé sur une possible manipulation de succession orchestrée dans un contexte de guerre et d’ingérence étrangère.
Un climat politique tendu
Cette déclaration survient à un moment où la RDC est à nouveau en proie à une instabilité croissante dans l’Est, avec l’activisme du M23, groupe armé accusé d’être soutenu par le Rwanda. Le gouvernement de Félix Tshisekedi, au pouvoir depuis 2019, est sous pression pour répondre de manière plus ferme à l’agression rwandaise, tout en gérant les séquelles politiques de l’ère Kabila.
L’appel à un test ADN, bien qu’extrême, reflète une frustration populaire face aux zones d’ombre de l’histoire politique congolaise récente. Pour beaucoup d’observateurs, cette suggestion est surtout une manière d’ouvrir un débat sur la transparence, la mémoire collective et les responsabilités du passé.
Silence du côté de Kabila
Jusqu’à présent, ni Joseph Kabila, retiré de la vie politique mais toujours influent via le Front Commun pour le Congo (FCC), ni ses proches collaborateurs n’ont réagi publiquement aux propos de Willy Mishiki. Toutefois, au sein de l’opinion publique, les réactions sont partagées : certains dénoncent un populisme politique à des fins électoralistes, tandis que d’autres saluent une tentative de « vérité historique » trop longtemps étouffée.
Analyse : Entre vérité et règlement de comptes
La sortie de Willy Mishiki s’inscrit dans une longue tradition congolaise où la vérité historique se mêle à la guerre des récits. Si ses propos manquent encore de preuves tangibles, ils viennent appuyer une exigence croissante de redevabilité des anciens régimes, dans un pays marqué par l’impunité, la manipulation de l’information, et les influences étrangères.
À l’heure où la RDC se cherche une nouvelle stabilité institutionnelle et une souveraineté régionale renforcée, cette affaire pourrait bien rallumer les braises du passé ou contraindre les élites à enfin répondre à des questions que beaucoup évitent depuis deux décennies.