Alors que près de 100 millions de dollars américains, livrés au port et à l’aéroport de Monrovia, se sont mystérieusement volatilisés, les plus hautes autorités de l’État sont ébranlées.
L’affaire ferait rire si la somme en jeu n’était pas faramineuse. Elle serait reléguée dans les pages des faits divers si elle ne révélait les failles d’un État et aurait tout d’une comédie de boulevard si elle n’était bien réelle.
Depuis plusieurs jours, l’évaporation d’une centaine de millions de dollars noircit les Unes des journaux libériens et ébranle le plus haut niveau de l’État.
Volatilisés
Si elle vient d’éclater, cette affaire rocambolesque remonte au 8 août, lorsque le ministère de la Justice ouvre une enquête. Le gouvernement réalise alors qu’environ 15 milliards de dollars libériens en cash, soit environ 97 millions de dollars américains (82 millions d’euros) se sont volatilisés. Imprimés à l’étranger, ils avaient été livrés en deux temps, au port de Monrovia et à l’aéroport Roberts de la capitale.
Selon les premiers éléments de l’enquête, la première cargaison a bien été réceptionnée en mars dernier au port par des agents de la Banque centrale, mais ne serait jamais arrivée jusqu’au siège de l’institution. Agents comme billets se seraient évaporés en route…
Inconnues et cafouillages
Comment pareille disparition est-elle possible ? Alors qu’Eugène Nagbe, le ministre de la Communication, affirme que tous les billets se sont volatilisés et que son collègue de l’Économie, Samuel Tweah, affirme au contraire que « seuls » 9 milliards de dollars libériens (58 millions de dollars américains) sont introuvables, quelle somme exacte a disparu ? D’où venaient ces billets et où ont-ils été imprimés ?
Les inconnues sont aussi nombreuses que les cafouillages. Des incertitudes qui permettent aux actuelles autorités et à leurs prédécesseurs de se renvoyer la responsabilité de ce scandale. Une première livraison aurait en effet eu lieu en novembre 2017, alors qu’Ellen Johnson-Sirleaf était encore au pouvoir. Mais la seconde ne serait intervenue qu’en août 2018, l’ancienne présidente avait alors cédé depuis plusieurs mois son fauteuil à George Weah.
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Une administration « traînée dans la boue »
Mise en cause, Ellen Johnson-Sirleaf est même sortie du silence qu’elle observait depuis son départ de la présidence, en janvier 2018. Dans une interview téléphonique au journal libérien FrontPage Africa, elle a regretté que son administration soit « traînée dans la boue », et que « de fausses informations viennent abîmer la réputation du pays. »
Mardi 18 septembre, le gouvernement a rendu public une liste de quinze personnes désormais interdites de sortie du territoire. Parmi elles, figurent Charles Sirleaf, le fils de l’ancienne présidente, qui avait assuré l’intérim à la tête de la Banque centrale en 2016, mais aussi Milton Weeks, le gouverneur de la Banque centrale entre 2016 et juillet 2018.
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Face aux difficultés économiques, George Weah avait annoncé en juillet dernier une série de mesures pour lutter contre l’inflation et la chute du dollar libérien, dont l’injection de 25 millions de dollars américains dans l’économie. L’ancien footballeur devenu président avait notamment été élu en promettant de lutter contre la corruption et d’instaurer de meilleures pratiques de gouvernance.
Jeune Afrique