Selon plusieurs sources concordantes, dont le journaliste d’investigation Steve Wembi, le colonel Bukiseli Lokito Moïse est mort, le 2 juillet, dans la cellule disciplinaire (« cachot ») du bataillon de police militaire (PM) du camp Lieutenant-Colonel Kokolo, à Kinshasa. L’officier aurait succombé aux coups de poing et aux sévices subis peu après son interpellation, vers 20 h, au cours d’une « patrouille de courtoisie » menée par des éléments de la PM.
Arrestation brutale puis décès en moins de 24 heures
D’après un premier rapport interne consulté par La Voix des Sans-Voix (VSV), le colonel, affecté à l’état-major des FARDC, aurait été embarqué sans mandat ni explication. Des témoins assurent l’avoir vu roué de coups au moment de son transfert. Malgré une prise en charge médicale sommaire dans l’infirmerie du camp, l’officier est décédé avant son admission à l’hôpital militaire central.
Le porte-parole des FARDC, le général-major Sylvain Ekenge, s’est limité à confirmer le décès et à annoncer « l’ouverture d’une enquête de police judiciaire militaire », sans évoquer la cause des blessures. Le parquet près la haute cour militaire de son côté, ordonné la saisie du dossier médical et la mise sous scellés de la cellule disciplinaire.
Indignation des ONG et rappel des précédents
Pour la VSV, l’ACAJ et Amnesty International, ce drame s’inscrit dans « une longue série de morts suspectes dans les geôles militaires ». Les ONG rappellent notamment les disparitions de 2009 dans le même cachot, documentées par l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), où des détenus étaient déjà victimes de mauvais traitements.
Le camp Kokolo, un site stratégique mais décrié
Base historique de 161 au cœur de Kinshasa, le camp Kokolo abrite plusieurs bataillons, dont celui de la PM chargé de la discipline et de la sécurité internes. Les conditions de détention dans ses cellules – exiguës, sans ventilation ni accès régulier aux soins – font depuis des années l’objet de critiques récurrentes des défenseurs des droits humains.
La famille demande qu’une autopsie soit pratiquée par des médecins civils en présence d’un représentant du barreau de Kinshasa, comme le prévoit l’article 16 de la Constitution congolaise (interdiction de la torture). Plusieurs députés de l’opposition exigent la suspension des officiers impliqués et la publication rapide des conclusions de l’enquête, faute de quoi ils promettent de saisir la Cour africaine des droits de l’homme.
Prochaines étapes
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Autopsie : attendue « dans les 72 heures », selon le parquet militaire.
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Comparution des militaires de la patrouille devant l’auditorat supérieur, annoncée pour la semaine du 4 août.
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Mission conjointe FARDC–Commission nationale des droits de l’homme pour inspecter tous les lieux de détention du camp Kokolo.
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Rapport parlementaire sur les conditions de détention dans les cachots des forces de sécurité, promis pour la session de septembre
Au-delà du cas tragique du colonel Lokito, ce dossier met à l’épreuve la capacité des juridictions militaires à sanctionner leurs propres rangs. Pour Me Jacques Ntumba, avocat spécialisé dans les crimes internationaux, « la crédibilité de la réforme de l’armée passe par des procès exemplaires, à huis ouvert mais filmés, afin de rompre avec l’impunité endémique ».























































