Cette procédure, inédite depuis l’alternance politique de 2019, suscite de vives réactions dans les rangs de l’opposition, à commencer par Moïse Katumbi, l’un des principaux opposants au régime actuel.
Contacté par téléphone, Moïse Katumbi, président du parti Ensemble pour la République, a fermement condamné cette initiative qu’il juge « illégale, inopportune et dangereuse ». Il estime que cette démarche ne respecte pas les exigences constitutionnelles en matière de levée d’immunité parlementaire, notamment le passage obligatoire par un vote du Congrès, qui réunit les deux chambres du Parlement.
« La tentative de lever les immunités parlementaires du président honoraire Joseph Kabila, au mépris des dispositions légales exigeant un vote du Congrès, constitue une démarche dangereuse et irresponsable », déclare Katumbi.
« À un moment où la République démocratique du Congo fait face à des défis majeurs – l’insécurité endémique dans l’Est, les tensions sociales, les difficultés économiques – cette initiative risque d’exacerber les divisions politiques et de fragiliser davantage la cohésion nationale. »
Depuis plusieurs mois, les relations entre les partisans du président Félix Tshisekedi et ceux de son prédécesseur Joseph Kabila, autrefois alliés dans la coalition FCC-CACH, se sont considérablement dégradées. L’ouverture de plusieurs enquêtes judiciaires visant d’anciens dignitaires du régime Kabila, et maintenant la perspective d’une procédure contre Kabila lui-même, alimentent la perception d’un acharnement politique.
Pour Moïse Katumbi, cette dynamique s’inscrit dans une logique de règlements de comptes politiques, loin des préoccupations du peuple congolais.
« Je condamne fermement cette volonté de contourner la loi pour des motifs manifestement guidés par des règlements de comptes que par l’intérêt général. La paix et la cohésion nationale, essentielles pour relever les défis actuels, ne peuvent être retrouvées par des actes qui sèment la discorde et torpillent les principes démocratiques. »
Face à ce qu’il considère comme une dérive du pouvoir, Katumbi en appelle à la responsabilité du président Félix Tshisekedi. Il l’exhorte à abandonner cette initiative et à engager un dialogue national sincère, incluant son prédécesseur Joseph Kabila, pour restaurer un climat de confiance politique et favoriser la stabilité du pays.
« J’exhorte le président Félix Tshisekedi à mettre fin à cette entreprise et à ouvrir un dialogue sincère avec son prédécesseur, Joseph Kabila, ainsi qu’avec toutes les parties prenantes, afin de privilégier l’unité nationale et de répondre aux aspirations profondes du peuple congolais pour la paix et le développement. »
La levée de l’immunité parlementaire d’un sénateur à vie – statut constitutionnel réservé aux anciens chefs de l’État – est une procédure juridiquement sensible. Selon les juristes congolais, elle nécessite un vote conjoint du Sénat et de l’Assemblée nationale réunis en Congrès, et ne peut être décidée unilatéralement par une seule chambre.
De plus, certaines voix dénoncent l’absence de transparence autour des faits reprochés à l’ancien président. Aucun chef d’accusation précis n’a encore été rendu public, alimentant les soupçons d’un dossier politique plus que judiciaire.
L’intervention de Moïse Katumbi marque une tentative de désamorcer une crise politique qui couve et menace de prendre de l’ampleur. À l’approche des futures échéances électorales, le pays pourrait s’enfoncer dans une nouvelle période d’instabilité si les tensions entre les institutions et les anciens alliés ne sont pas apaisées par le dialogue.
Pour l’instant, le Sénat poursuit ses travaux, et l’avenir politique de Joseph Kabila reste incertain. Ce bras de fer pourrait bien redéfinir les équilibres du paysage politique congolais.