La plénière, présidée par l’honorable président de l’Assemblée provinciale, s’est tenue sous haute surveillance dans l’hémicycle de Mbuji-Mayi. Des tensions ont été enregistrées à l’entrée de l’Assemblée, où plusieurs citoyens s’étaient rassemblés pour exiger des comptes sur la gestion des fonds provinciaux.
Sur les 24 députés présents, 18 ont voté en faveur de la mise en accusation, 4 se sont abstenus et 2 ont voté contre, dénonçant une procédure « précipitée et politisée ». Les partisans du gouverneur ont tenté de bloquer la plénière en évoquant un vice de forme, sans succès.
Des accusations bien documentées
Le rapport de la commission ad hoc, à la base de cette procédure, a pointé plusieurs irrégularités dans la gestion des 3 millions de dollars transférés à la province par le ministère national du Budget pour la mise en œuvre de projets dans les secteurs des infrastructures, de l’éducation et de la santé.
Parmi les projets non exécutés ou partiellement réalisés figurent :
• La réhabilitation de la route Kalenda Katanda, financée à hauteur de 800 000 dollars, mais laissée à l’état d’abandon ;
• La construction de deux écoles à Miabi, où seuls les travaux de fondation ont été visibles malgré un décaissement total de 500 000 dollars ;
• Un projet d’adduction d’eau à Lupatapata resté sans début d’exécution.
Le rapport mentionne également des soupçons de collusion avec certaines entreprises de construction fictives et des marchés attribués sans appel d’offres, en violation flagrante des règles de passation des marchés publics.
Une suite judiciaire attendue
Avec l’adoption de la résolution de mise en accusation, le dossier est désormais entre les mains du procureur général près la Cour de cassation, seule instance habilitée à engager des poursuites contre un gouverneur en fonction. Ce dernier pourrait être suspendu si des charges suffisantes sont retenues contre lui.
En parallèle, des voix s’élèvent au sein de l’Assemblée provinciale pour exiger une motion de défiance immédiate, en vue de sa destitution politique, indépendamment de l’issue judiciaire. Une telle démarche nécessiterait cependant la majorité absolue des membres de l’organe délibérant.
Réactions politiques partagées
La mise en accusation de Jean-Paul Mbwebwa Kapo a provoqué un véritable séisme dans le paysage politique local. Du côté de l’opposition provinciale, c’est un « acte de justice et de responsabilité », selon les mots de l’honorable Monique Kabamba :
« Le peuple du Kasaï-Oriental souffre de la misère, des routes impraticables, des écoles délabrées. Il est temps que ceux qui gèrent les fonds publics rendent des comptes. »
Dans le camp du gouverneur, l’heure est à la contre-offensive. Son porte-parole, dans une déclaration aux médias, a dénoncé une manœuvre politicienne :
« Il s’agit d’un complot monté par des députés frustrés de ne pas avoir bénéficié de certains avantages. Le gouverneur est prêt à répondre devant la justice, mais il ne démissionnera pas. »
Un climat de défiance institutionnelle généralisé
Cette affaire reflète un malaise plus large dans plusieurs provinces de la République démocratique du Congo, où les rapports entre les Assemblées provinciales et les exécutifs locaux sont souvent conflictuels. Depuis 2023, au moins six gouverneurs ont été accusés de détournement, mais peu de dossiers ont abouti à des condamnations fermes.
La mise en accusation du gouverneur Mbwebwa Kapo pourrait faire jurisprudence si elle débouche sur un procès équitable. Elle relance également le débat national sur la redevabilité des autorités provinciales et le suivi rigoureux de l’exécution des budgets publics.