Près de deux mois après son arrestation et mise en détention à la prison centrale de Makala, Vital Kamerhe vient de comparaitre devant la justice plus de 3 fois. Poursuivi pour détournement, l’incriminé exige qu’il lui soit opposé des preuves ou des pièces retraçant le fait lui reproché. Alors qu’une deuxième audience consacrée à l’audition des témoins se poursuit, l’on a l’impression que le ministère public n’a pas encore réuni toutes les preuves pourtant promises. Par ailleurs, tous les témoins déjà entendus semblent remettre les responsabilités à l’Etat pour lequel ils ont agi. C’est cette logique qui nous est partagée, dans cet article, par le compatriote Njoli Bodjenga qui estime qu’après la présentation de ses moyens de défense, Vital Kamerhe pourrait être acquitté.
Le Tribunal.
Il faut bien sûr d’abord présenter des condoléances aux hommes en toge et leur dire l’admiration qu’on peut voir pour des serviteurs de la Justice dans un pays qui n’en a jamais voulu.
Il fait plaisir de le voir à l’œuvre, ça ravive l’espoir…
Le défunt juge président semble avoir été adéquatement remplacé. Le successeur paraît, lui aussi, inébranlable et souple à la fois. Ça inspire confiance, il faut espérer ne pas se tromper.
On est devant le tribunal, pas devant le peuple !
N’ayant évolué que dans des environnements despotiques Kamerhe semble ignorer que dans une démocratie, même approximative, la Justice est Reine et les magistrats ses soldats. Comme il n’avait sans doute pas encore eu à faire avec des juristes, dans leur élément, VK a pensé qu’il pouvait s’imposer à eux dans leur environnement. Il a eu droit à un cinglant rappel à l‘ordre qui restera mémorable chez d’autres politiciens fanfarons de ce pays de mal gouvernance chronique : on est devant le tribunal, pas devant le peuple !
Accusation peut-être insuffisante.
Aux yeux du public, qu’il a lui-même invité à son procès, Kamerhe est coupable. Coupable de ses fastes, de ses coalitions douteuses, de son indifférence à l’égard des droits et libertés des Congolais, etc. La grande majorité des citoyens ne voient pas l’intérêt de le défendre, lui dont les seuls exploits concernent des augmentations faramineuses des rémunérations de ses personnels, dans l’océan de pauvreté qu’est la RDC.
Cependant, des forces démocratiques ne peuvent cautionner ni tolérer de l’injustice sous quelques formes que ce soit. La Justice ne se transige pas, elle doit rester juste pour tous et toujours.
À l’issue de cette 3e audience, force est de constater que l’accusation s’est bornée à débattre interminablement sur l’indéniable cafouillage dans la gestion du contrat des maisons du programme de 100 jours. Il semble pourtant clair que l’ambition du chef de l’État, de faire construire 1500 maisons en 100 jours, ne pouvait que nécessiter de la part de son cabinet de prendre des raccourcis pouvant occasionner des cafouillages dans les processus du contrat. On ne peut donc pas trop reprocher au cabinet, et à lui seul, le non-respect des règles de gestion de contrats.
Quant à l’infraction de détournement de deniers publics, on veut bien qu’elle soit de nature intellectuelle comme l’a expliqué l’un des magistrats mais il ne faudrait quand même pas recourir à l’intelligence artificielle pour la faire comprendre au commun des mortels. Il est en tout cas hors de question de cautionner qu’un compatriote reste aussi longtemps en prison préventive sans que des preuves évidentes de faute grave de sa part ne soient démontrées. Le Ministère public ne peut plus faire attendre les Congolais.
Nombreux Congolais n’ont pas encore décoléré contre les longues arrestations injustes de leurs leaders (Kuthino, Diomi, Diongo, Ewanga, etc.). Et ce n’est pas parce que Kamerhe n’avait rien fait pour eux, et qu’il a contribué à la dernière fraude électorale, que les Congolais peuvent se permettre de lui appliquer ce qu’ils souhaitent corriger : l’injustice.
Un juriste congolais, résident en Belgique, avait émis des doutes concernant la rapidité avec laquelle la mise en accusation avait été effectuée. S’était-on précipité à faire des accusations ? Qu’est-ce qui peut avoir motivé cette précipitation ?
Attention à la vérité !
La vérité doit rester sacrée pour toute société. L’harmonie sociale exige de veiller à ne perturber la relation de la société avec la vérité. Autrement, elle court le risque de s’égarer durablement dans une fausseté collective avec une Justice à plusieurs vitesses.
Un prêtre belge avait un jour déclaré à peu près ceci, suite au génocide au Rwanda : les difficultés de cette société viennent du fait que sa relation mythique avec la vérité est douteuse. Il voulait dire que les Rwandais avaient tendance à relativiser vérité et mensonge.
Si Kamerhe est en réalité traduit en justice pour une raison cachée, qui n’a rien à voir avec l’intérêt du peuple congolais, ce dernier ne doit pas cautionner le procès en cours qui n’est donc pas fait pour le servir.
La société ne doit pas permettre aux leaders d’abuser de la Justice pour assumer des luttes politiques qu’ils devraient baser sur la confrontation des visions à vendre au peuple au travers des élections fiables et crédibles.
La société doit surtout veiller à ne pas se trouver victime des séquelles des anciennes pratiques. L’ère Kabila doit être terminée.
Fournisseurs payés d’avance – Paiements comptants – Courses d’épicerie…inimaginable !
C’est presque drôle mais franchement honteux. Non seulement que des fournisseurs de l’État sont complètement payés d’avance mais ils sont payés cash… par des flamboyants cadres du CACH.
L’un d’eux, une sorte de coursier, parcourt le pays avec du liquide pour payer les douanes, les transports, etc. en dollars US. Et il ne sait pas toujours ce qu’il paye. Un gérant parallèle d‘import-export qui s’en fout des contenus de conteneurs qu’il dédouane. Son rôle d’administrateur parallèle d’import-export se limite à payer. S’il se trouve en cours de liquidité, quelque part, durant ses courses d’épicerie, un ministre inutile vient l’approvisionner en liquide. C’est le théâtre de la Gombe !
C’est frustrant mais des citoyens qui aspirent à un État de droit doivent comprendre que la Justice doit être juste même pour ceux qu’on n’aime pas. Sinon, elle risque de prendre l’habitude de débauche et desservir la société.
Cabinet du chef de l’État.
Il est évidemment clair que Kamhere ne devrait plus retourner à la présidence. Il devrait pouvoir se trouver un poste politique et libérer la présidence des intrigues et partisanneries politiciennes. Cette institution doit rester à l’écart de douteuses négociations de partages de postes pour pouvoir évoluer vers plus de dignité.
Les Congolais ont besoin de n’avoir que le Président à la présidence et son cabinet ne doit être ni un gouvernement parallèle, avec d’inutiles conseillers-ayant-rangs-de-ministres, ni un espace de magouilles partisanes accaparantes.
Le président devrait se consacrer à renforcer les fondations de l’État de droit et pour cela, il devrait pouvoir interagir directement et en permanence avec la société civile. Il doit se détacher de responsabilités d’intendance. Les Congolais ne se battent pas depuis si longtemps pour des sauts-de-moutons ou de petits-ponts. Ils se battent pour un État de droit, une démocratie digne, des Assemblées légitimes, des élections fiables, une Justice indépendante, des emplois.
Kamerhe doit aller au gouvernement, faire la politique pour le peuple et pas seulement pour son positionnement dans le pouvoir.
À propos des arrestations immédiates
Ce serait injuste de ne pas profiter de l’occasion pour dénoncer les trop nombreuses arrestations préventives qui se poursuivent encore au pays comme au temps de Kabila. Les arrestations des messieurs Mamba, Mukuna, Ibrahim Kabila, par exemple, sont intolérables. À qui devrait-on s’adresser pour résoudre ce fléau ? Qui arrête les gens en RDC et qui est censé protéger des citoyens contre d’éventuels abus des agents de l’État ?
Il ne suffit pas d’intervenir de temps en temps pour faire libérer tel ou tel, il faut mettre en place des mesures permanentes et concrètement applicables qui empêchent que détentions abusives et sanctionnent effectivement des abuseurs.
Attention ! Il ne s’agit pas d’insinuer que Kamerhe a été arrêté abusivement. Ses témoignages non plus ne sont pas limpides. Mais après 40 jours de détention on devrait pouvoir le relâcher si les preuves rassemblées ne sont pas plus convaincantes.
Njoli Bodjenga