L’échec est loin d’être consommé par certains acteurs et partisans de la coalition Lamuka, une plateforme électorale qui soutenait la candidature de Martin Fayulu à la présidentielle du 30 décembre dernier. Après rejet de sa requête par la Cour constitutionnelle de la RDC, Martin Fayulu vient de saisir la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples pour obtenir l’annulation de l’élection de Félix Tshisekedi, désormais Président de la République démocratique du Congo. Cette décision suscite plus de questionnement au sein de l’opinion : Le candidat Fayulu s’est-il fait conseiller ? Si oui, pourquoi ne pouvait-il pas utiliser tous les fonds affectés dans cette démarche au profit du peuple congolais ? La communauté internationale ayant déjà reconnu et promis l’accompagnement du Président Félix, pourrait-elle revenir sur elle-même ? Autant de questions quant à la finalité de cette démarche.
Dans sa réflexion, le Professeur congolais André Mbata reste perplexe quant à la réponse de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples à cette requête. Dans ses prérogatives, dit le Prof, la Commission africaine ne peut traiter les questions déjà réglées par un Etat.
« Il faudra d’abord connaitre la destination du vol qu’aurait pris Martin Fayulu ou de l’avion à bord duquel se trouveraient les avocats de Lamuka: Banjul (Gambie) ou Arusha (Tanzanie)? La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples sont les deux organes de l’Union africaine (UA) qui sont sollicités. La Commission africaine est établie par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) adoptée à Nairobi en 1981 et entrée en vigueur en 1986. Cette Commission siège à Banjul en Gambie. Elle ne peut pas examiner des requetés basés exclusivement sur des informations diffusées par les médias. Elle ne peut pas non plus traiter des questions déjà réglées par les Etats selon les principes de la Charte de l’ONU, l’Acte constitutif de l’UA ou les dispositions de la CADHP. Ses décisions restent confidentielles jusqu’à ce que l’Assemblée de Chefs d’Etat et de Gouvernement en ait décidé autrement », explique le prof Mbata.
A l’en croire, une requête est recevable par la Cour africaine si l’Etat membre est en conformité avec l’article 34 à son alinéa 6.
« Quant à la Cour africaine, elle siège à Arusha en Tanzanie. Cette Cour est régie par le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples adopté à Ouagadougou au Burkina Faso le 9 juin 1999 et entré en vigueur le 25 janvier 2004. Ses arrêts sont obligatoires et s’imposent aux Etats- parties au Protocole. Les Etats, la Commission, et les organisations intergouvernementales africaines peuvent saisir la Cour africaine. Il en est de même des individus et des ONGs ayant statut d’observateurs auprès de la Commission africaine. Dans ce cas, pour être recevables, les requêtes doivent provenir des individus ou des ONGs dont les Etats ont, au préalable, déposé la déclaration prévue par l’article 34(6) autorisant la Cour à recevoir de telles requêtes. Sans une telle déclaration de l’Etat sous la juridiction duquel ils se trouvent, les individus et ONGs n’ont pas qualité pour saisir la Cour africaine », poursuit-t-il.
De ce fait, renchérit le Prof Mbata, la requête de l’opposant Martin Fayulu risquerait d’être rejetée faute d’avoir ratifié et déposé la déclaration du Protocole à la Cour africaine par la RDCongo conformément aux prescrits du Protocole.
« La requête de MAFA (pas Lamuka) devrait être adressée contre la RDC comme Etat et non contre la Ceni, la Cour constitutionnelle ni contre le Président Felix Antoine Tshisekedi Tshilombo (FATSHI). S’ils saisissent la Cour africaine comme MAFA et Lamuka l’ont annoncé, cette Cour n’hésitera pas à les débouter et à déclarer la requête irrecevable pour au moins deux raisons : (1) La première raison est que la RDC a simplement signé (9 sept 1999) mais n’est pas partie au Protocole de la Cour parce que notre pays ne l’a pas encore ratifié ni déposé son instrument de ratification auprès de l’UA. (2) La seconde raison est que même si elle avait déjà ratifié le Protocole de la Cour, la RDC n’est pas parmi les neuf pays qui ont déposé la déclaration prévue à l’article 34 (6) du Protocole autorisant la Cour à recevoir des requêtes émanant des individus (comme MAFA) ou des ONGs sous leurs juridictions ! », révèle le Professeur.
A ce jour, précise-t-il, les neuf pays africains qui ont fait la déclaration permettant aux individus et aux ONGs de saisir directement la Cour pour violation de leurs droits par ces pays sont Benin, Burkina Faso, Cote d’Ivoire, Ghana, Malawi, Mali, Tanzanie, Tunisie et Gambie.
André Mbata estime simplement que le candidat Fayulu se serait laissé tromper par ses Avocats qui, pourtant, sont sensés connaitre tous ces aspects juridiques.
« MAFA et Lamuka que l’on dit disposer d’énormes moyens financiers bien acquis ne pouvaient-ils pas trouver de meilleurs avocats qui pouvaient les conseiller utilement ou abandonner au lieu de se décrédibiliser davantage en allant d’une déconfiture judiciaire à une autre? Je refuse de croire que la soif du pouvoir les ait endurcis au point de les rendre insensibles et sourds à tout conseil, même si un tel conseil pouvait être gratuit comme nous n’avons pas cesse d’en prodiguer. Sinon, qu’est-ce qui justifierait cette totale confiance à des avocats qui avaient déjà cru que les déclarations “prophétiques” de la CENCO, : les journaux de la RFI, de France 24, ou les éditoriaux de Jeune Afrique, Le Soir, La Libre Belgique, Le Monde et Financial Times valaient mieux que les procès-verbaux des résultats et constituaient des preuves irréfutables de la victoire de leur candidat que la Cour constitutionnelle n’avait qu’à proclamer ? », note-t-il.
Aussi, poursuit-il, « si l’on dispose de tant de millions de dollars et d’Euros, pourquoi ne pas les utiliser autrement pour servir le peuple congolais que nous aimons tant au lieu de les jeter par la fenêtre dans la multiplication des procès perdus d’avance même dans l’entendement des personnes sans formation juridique ? ».
Toutefois, le Professeur reconnait le droit légitime d’ester en justice qui ne peut leur être refusé à out citoyen, surtout lorsqu’il a les moyens de l’exercer. « Le juriste applaudit également lorsque des procès de ce genre permettent d’enrichir la jurisprudence de la Cour africaine ainsi que certains avocats ! »
Pour André Mbata, dès lors que la haute Cour congolaise avait récusé la requête, il n’est plus de raisons d’espérer auprès de l’Union africaine dont les Chefs d’Etats ont déjà promis leur soutien à leur homologue Congolais.
« En saisissant la Cour constitutionnelle, MAFA et Lamuka avaient déjà reconnu son autorité et choisi de se plier à sa décision ! En approchant les instances africaines, ils confirment avoir pris acte de l’arrêt de la Cour qui les avait déboutés. Je ne vois pas la Commission africaine (dont les recommandations sont soumises aux Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’UA qui reconnaissent à présent FATSHI comme Président de la RDC), encore moins la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples ordonner l’annulation de l’arrêt de la Cour constitutionnelle proclamant Felix Tshisekedi Président de la RDC ! », redoute-t-il.
Au regard de ce qui précède, le Prof Mbata membre de la Dynamique des intellectuels congolais réitère son appel « pathétique et patriotique » à tourner la page et avancer pour la reconstruction d’un nouvel Etat.
« Même les deuils portés à l’occasion de la disparition des êtres chers finissent par être levés ! Il y a un temps pour tout, un temps pour pleurer et un temps pour essuyer les larmes ; un temps pour détruire et un temps pour construire. Nous ne ferons pas comme Caligula en brulant le pays parce que notre candidat bien-aimé a été ou n’a pas été proclame élu, encore moins parce les pasteurs de son église l’ont béni ou refusé de le bénir comme Président de la République. Il n’y aura pas d’inanition de la Nation. Tournons la page et Avançons …pour bâtir un pays plus beau qu’avant ! », conclut l’intellectuel congolais.
Jean-Marie Mulume