Cette expérience politique aura duré deux ans à peine, car aujourd’hui les partisans du président Tshisekedi menacent de démettre le gouvernement, après avoir renversé le bureau de l’Assemblée nationale. Ils accusent l’ancien chef de l’Etat Joseph Kabila et ses proches d’empêcher les initiatives du président Tshisekedi pour améliorer la gouvernance. Mais la société civile reste très critique face à ces efforts, notamment en matière de lutte contre la corruption.
En janvier 2020, quatre mois à peine après l’installation du gouvernement de coalition CACH-FCC, la grogne monte au sein de la population excédée par des scandales de détournements d’argent public et les tensions apparaissent au grand jour entre les deux alliés. À Londres, alors qu’il parle devant ses partisans, le président Tshisekedi assure être bloqué dans son action et menace de dissoudre l’Assemblée nationale, largement dominée par le FCC de Joseph Kabila.
Sa présidente Jeanine Mabunda se permet de recadrer le chef de l’État : « n’est pas juriste qui veut », lance-t-elle devant la presse, tout en renvoyant Félix Tshisekedi à la gestion du pays et à contrôler le taux de change du franc congolais avec le dollar qui avait flambé.
Le ton monte entre l’exécutif et le législatif, mais la vraie bataille se joue avant tout au niveau du pouvoir judiciaire. Félix Tshisekedi nomme de nouveaux magistrats, y compris trois juges à la Cour constitutionnelle, compétents pour juger le président, valider les élections et le bon fonctionnement des institutions, ce que dénonce le FCC de Joseph Kabila. Pendant des mois, des délégations de l’ancien et du nouveau chef de l’État discuteront sur ce point d’achoppement, comme sur d’autres. Ni Félix Tshisekedi, ni Joseph Kabila ne voudront céder.
Mais fin octobre, le président congolais prend l’initiative de rompre la coalition, lance des consultations nationales boycottées par le FCC et appelle à l’Union sacrée.
Depuis, les motions se multiplient à l’Assemblée pour démettre d’abord son bureau, puis aujourd’hui le gouvernement de Sylvestre Ilunga et le FCC dénonce lui la violation des textes qui régissent la RDC et la corruption des députés qui rallient l’Union sacrée.
Une coalition Cach-FCC accusée de mauvaise gestion.
Durant sa première année de mandat, Félix Tshisekedi a un discours jugé ambigu par la société civile, promettant de faire de la lutte contre la corruption sa priorité, tout en assurant ne pas fouiner dans le passé.
Finalement, le premier gros poisson à faire les frais de cette lutte, c’est son directeur de cabinet, Vital Kamerhe. Il est accusé d’avoir orchestré le détournement de dizaines de millions de dollars du programme des 100 jours du chef de l’État. Face à la grogne populaire, le président Tshisekedi demande un audit. Le gouvernement majoritairement pro-Kabila le transforme en procédure judiciaire et Vital Kamerhe est condamné.
Les tensions entre l’ancien et le nouveau chef de l’État se mesurent aussi au rythme des dénonciations qui fusent de part et d’autre sur l’usage de ces fonds, comme de ceux de la lutte contre le Covid-19 ou même sur les dépenses budgétivores des institutions.
Très vite, la société civile mobilisée sur les questions de lutte contre la corruption dénonce des deux poids, deux mesures dans les poursuites engagées, les personnalités visées et les condamnations obtenues, mais aussi le manque de moyens accordés aux institutions chargées du contrôle, comme l’Inspection générale des finances et la cour des Comptes. Ces ONG se montrent particulièrement méfiante envers la nouvelle agence de prévention et de lutte contre la corruption qui dépend de la présidence. Certains de ses agents ont depuis été les principaux acteurs d’un scandale de corruption. Du côté de la présidence, on assure vouloir avec l’Union sacrée faire preuve de plus de transparence, tout en indiquant ne pas pouvoir s’attaquer à tous les problèmes de front.
Le FCC de Joseph Kabila dénonce lui les détournements de l’administration Tshisekedi ou même la corruption dont font l’objet les députés pour rejoindre l’Union sacrée.
Pour les organisations de défense des droits de l’Homme, congolaises comme étrangères, après six mois d’amélioration, l’espace politique s’est à nouveau réduit dans le pays et le tableau de ces deux années de gestion commune est plutôt sombre. « Après six mois, nous avons vu que les vieilles méthodes de violation des droits humains, notamment les répressions de manifestations publiques et d’autres violations des droits humains, ont continué; regretteRostin Manketa, directeur exécutif de la Voix des Sans Voix. L’année passée, par exemple, nous avons eu à traiter les dossiers de plus de vingt défenseurs des droits humains qui ont connu des problèmes, des problèmes de persécution, des problèmes d’arrestations arbitraires, de détentions illégales… Et tout cela, nous l’avons perçu dans le cadre de la gestion commune du pouvoir FCC-CACH.
Nous avions dit que nous avions un président qui n’avait pas les mains libres. Maintenant, on se dit qu’il n’y a plus de coalition FCC-CACH. Et tout le monde aura les yeux braqués vers le chef de l’État, qui n’a plus en face de lui des adversaires capables de le bloquer. Et je dis que c’est un couteau à double tranchant, parce que si les choses ne vont pas dans le bon sens, il sera facilement critiqué. C’est lui le numéro un du pays ».
RFI / Kivuavenir.com