Le jour de la mort inopinée du colonel Mamadou, le héros du peuple du Nord-Kivu, le gouvernement congolais, par la bouche de son porte-parole, le Ministre Lambert Mende, avait aussitôt déclaré sans aucune preuve que les auteurs de cet assassinat sont des ADF. Cette thèse assez gratuite n’allait pourtant tarder de devenir la couverture privilégiée des crimes de massacres horribles qui devaient prendre désormais une allure constamment croissante. Dès lors, le flot de sang humain dans la région de Beni est devenu le lot quotidien dans la ville même de Beni, dans les campagnes du territoire portant le même nom. Le dernier cas ne date pas de plus loin que ce dimanche 28 octobre 2018 où une incursion menée à Mbau – Mangboko par ceux qui massacrent à Beni a causé la mort de 6 personnes par armes blanches, 2 morts calcinés dans des maisons brûlées par les assaillants et des pillages du bétail (chèvres et autres) ainsi que des objets de ménage (matelas, télévision, téléphones portables etc.).
Or, au fil de temps, toutes les opinions comprendraient, sur base d’une succession des faits, que les massacres de Beni, sont la marche d’une géante machine sophistiquée dont les ingénieurs relèvent de la plus haute sphère du régime en place. Parmi ces faits, on retiendra bien sûr de nombreuses preuves de complicité des éléments des FARDC (forces armées de la République Démocratique du Congo) en faveur des tueurs des civils. Mais aujourd’hui, nous aimerions surtout rappeler à l’intention de tous quelques paroles inoubliables prononcées par le chef de l’Etat en rapport avec la même tragédie, paroles apparemment muettes, mais en réalité pleines d’interprétation pour lever tout équivoque sur l’identité des auteurs des crimes commis contre la population de Beni:
1. Joseph Kabila a déclaré à un groupe de Députés Nande: « Vous les Nande, vous devez savoir que je suis aussi votre fils. Je suis fils de Rwenzori ». Quand on sait bien que Joseph Kabila n’a jamais vécu dans l’espace du grand Nord-Kivu, où personne ne l’a jamais connu jusqu’au jour où il fera son irruption devant le public congolais avec l’avènement de l’AFDL, une telle déclaration peut entraîner des spéculations dans tous les sens. Or, dans le langage congolais courant de ces trente dernières années, le terme « Rwenzori » a quelque peu perdu son sens laudatif faisant allusion au pic Marguérite qui attire les touristes du monde entier, pour revêtir une signification péjorative à des rebelles ougandais qui y ont élu domicile depuis la chute du feu président ougandais Idi Amin Dada. En se revendiquant « fils de Rwenzori », il y aurait lieu de comprendre que le président Kabila devrait être familiarisé avec les inciviques de Rwenzori depuis longtemps. Se déclarer « fils de Rwenzori » dans le contexte de massacres de Beni par quelqu’un qui n’a aucune origine sociologique dans cette région (en l’occurrence dans le secteur de Rwenzori) ne peut que faire penser à son appartenance aux groupes mafieux et terroristes étrangers qui ont envahi les contrées des massifs de Rwenzori depuis au moins trois décennies.
2. Se déchargeant toujours sur les Députés Nande au sujet des atrocités commises contre les civils à Beni, Joseph Kabila a aussi déclaré: « La République Démocratique du Congo peut se développer et aller aux élections sans le Kivu ».
Depuis le début des massacres de Beni, le chef de l’Etat n’a jamais manifesté une volonté pratique de s’y impliquer en vue d’y trouver promptement une solution. Il n’y a exprimé aucune compassion: pas de secours militaire honnête (si ce n’est que des actions de complicité en faveur des rebelles et inciviques), pas d’assistance humanitaire aux populations déplacées par cette insécurité endémique, en aucune fois il n’a ordonné un deuil national en mémoire des victimes innocentes et en guise de solidarité nationale envers le peuple qui subit lesdites atrocités… Voudrait-il considérer cette partie du Kivu comme un domaine ne faisant pas partie de la RDC ou voudrait-il la traiter comme tel ?
3. Kabila d’ajouter aussi au mêmes Députés : « Au Sénégal il y a un conflit qui a fait des années, c’est la Casamance. Je peux faire du Nord-Kivu une Casamance, j’ai ce pouvoir ». Quelle arrogance ! En d’autres termes, le Nord-Kivu est déjà jeté sur le chemin de la Casamance. C’est un grand signe d’ingratitude et de sadisme, quand on doit user de son pouvoir pour traiter avec un tel dédain une région qui fut son principal fief électoral.
4. « On a toujours dit que c’est chaque fois après mon passage qu’il y a eu inflammation de massacres. Cette fois-ci je vous dis qu’il n’y en aura pas», avait promis le président Joseph Kabila à la population de Lubiriha/Kasindi le 04 Août 2016, à l’occasion de son passage pour une réunion en Ouganda. Arrivé à Beni-ville par la même occasion, il annonce aux notables que « Je suis venu vous apporter la paix ». Et pourtant cinq jours plus tard la ville de Beni expérimentera pour la toute première fois dans le quartier RWANGOMA ces massacres qui, jusque-là étaient exclusivement vécus dans les contrées rurales. On a alors vite compris que la promesse de la paix n’était qu’un discours ironique d’une autorité qui savait quel programme devait suivre son passage, d’après des consignes qu’il aurait certainement données à cette occasion. Dès lors les tueurs ont resserré leur étau sur la ville de Beni jusqu’à forcer les habitants de la commune de Rwenzori à déserter leurs maison et en multipliant des attaques contre les utilisateurs du tronçon routier Beni-Kasindi.
5. Dans une réunion restreinte tenue avec quelques ministres d’Etat à Kingakati, Joseph Kabila prononce ouvertement : « Je déteste ces Banande (c’est-à-dire le peuple Nande); ils se croient être les plus forts à cause de leur commerce. Je suis capable de les rendre pauvres ».Une telle parole s’est plus que confirmée sur terrain. Il suffit de constater comment l’espace de Beni-Lubero est asphyxié par l’insécurité de tous genres, dont les massacres de Beni, les vols et enlèvent partout en campagnes comme en villes, l’abandon des tronçons routiers vitaux au délabrement dans cette région, la surtaxation des services de recettes publiques au poste frontalier de Kasindi/Lubiriha et dans les villes de Butembo et Beni, la destruction méchante des maisons voire des villages entiers accompagnée de pillage des produits d’élevage, des champs et des biens de ménage, imposition et entretien d’insécurité qui force beaucoup d’habitants à quitter leurs terres pour devenir nomades. Bref, toutes ces réalités sont portées à réduire la population Nande de Beni-Lubero à l’état d’improductivité, car elle est placée dans impossibilité de travailler. D’emblée, une crise humanitaire y bat déjà son plein sous le regard totalement indifférent de ses dirigeants à tous les échelons.
6. « Je me demande pourquoi les Nande ne veulent pas vivre avec les autres, surtout avec les gens qui arrivent chez eux pour rechercher des terres arables ; et pourtant eux sont partout en RDC », martèle Joseph Kabila aux Notables Nande à Kinshasa. Cette allégation est dangereusement calomnieuse au préjudice du peuple Nande. Car la réalité témoigne que la ville de Beni et tout l’espace de Beni-Lubero connaissent depuis des années une cohabitation harmonieuse des habitants venus de tous les coins du pays. D’où, il se dégage que « les autres » auxquels Joseph Kabila fait allusion ne sont plutôt que ces nombreux immigrants dont il a organisé le transfert vers Beni et l’Ituri pour une mission d’extermination et d’évincement des autochtones, et dont il désapprouve la dénonciation par les victimes qui s’en trouvent lésées.
7. « Vous les Nande, bientôt vous allez oublier le business, surtout le business de l’Or. Vous aurez le choix de faire d’autres choses, en l’occurrence l’agriculture ». Cette déclaration est de Zoé Kabila, un frère à Joseph Kabila, aux jeunes commerçants Nande trafiquant de l’or qu’il croisa à Dubai, en 2013. Effectivement, la famille Kabila a lancé à travers la province voisine de l’Ituri une campagne de xénophobie contre les Nande qui y exercent le business, spécialement dans la ville de Bunia et la région minière de Mongbwalu tout en s’arrogeant illicitement le monopole d’achat de l’Or issu des creuseurs artisanaux. C’est la famille biologique de Kabila qui centralise l’achat de l’Or à Bunia.
8. En 2013, Joseph Kabila se confie à un dignitaire du régime Tanzanien à Dar-es-Salam dont nous nous réservons de dévoiler l’identité par respect : « Nous avons un problème en RDC avec deux tribus, les Balubas et les Nande. Mais les plus durs et rusés sont les Nande. Ce sont eux qui bloquent souvent nos plans. Nous allons tout faire pour les anéantir ». De là, nous comprenons vite pourquoi aussitôt en 2014, les portes ont été grandement ouvertes pour déchaîner les massacres sur l’espace de Beni-Lubero en général et à Beni en particulier, cette partie du pays étant la référence et le principal fief du peuple Nande visé par ce verdict.
9. Dans une réunion tenue à Beni, le président Kabila a déclaré ouvertement ce qui suit au sujet des massacres de Beni: « Vous vous tuez entre vous. Vous devez vous désolidariser des terroristes… Ce sont vos enfants qui vous tuent ». Mais, depuis le début de ce mois d’octobre qui touchent à sa fin, le gouvernement congolais tente d’informer les opinions qu’il a finalement découvert l’identité des tueurs de Beni. Ce sont des membres du Muslim Tabliq Movement, MTM en sigle. Or, s’il faut parler objectivement, vu les nombreuses preuves de collaboration et complicité entre l’armée congolaise et lesdits tueurs, n’est-ce pas qu’il y a lieu d’affirmer que les MTM ne sont autres que les FARDC eux-mêmes, et donc un groupe organisé, soutenu et encadré par le pouvoir en place en vue de massacrer la population civil et les FARDC loyalistes pour des fins purement politiques? D’ailleurs, la complicité ou la participation des FARDC aux côté des tueurs a été mise en nu également par la MONUSCO présente dans la région de Beni.
10. Après l’incendie de sa maison par des inconnus à Musienene, Joseph Kabila a menacé la communauté Nande en déclarant : « Vos enfants ont brûlé ma maison à Musienene. Et moi, si j’ordonne qu’on s’en prenne à vos maisons sur toute l’étendue de la RDC, vous direz que je suis le plus mauvais ? » Ici encore, nous retrouvons un sentiment tacheté de xénophobie dans le chef d’une haute personnalité ayant la qualité de père de la Nation. Rattachée au point 5 ci-dessus exposé, une telle déclaration souligne combien le président Kabila ne saurait contenir la rancune qu’il entretient contre le peuple Nande. Cette rancune est le fruit ou l’effet de sa colère contre ce peuple qui dénonce avec vigueur le plan d’occupation du Kivu-Ituri dont les actions pratiques sont recommandées aux immigrants rwandais qui envahissent actuellement la région de Beni-Lubero et l’Ituri. C’est pourquoi, pour conclure, Joseph Kabila pose sa condition pour qu’il permette le retour de la paix dans cette partie du pays en détresse en ces termes :
11. « Si vous voulez que le conflit (la tragédie) de Beni finisse, vous devez accepter de vivre avec les autres ». Comprenez que ces « autres » ne sont nullement des congolais venus d’autres provinces ou d’autres régions du pays – car ils y vivent déjà harmonieusement avec les autochtones depuis plusieurs années -, mais ce sont des occupants étrangers, en l’occurrence rwandais, qui envahissent Beni-Lubero et l’Ituri avec l’appui du pouvoir de Joseph Kabila. Toutes les autorités politico-administratives, l’appareil de la défense nationale et les services de sécurité sont mobilisés pour leurs protections et leurs succès dans les zones enviées par ce plan d’occupation.
Tout compte fait, le véritable responsable des massacres de Beni, c’est bien sûr le président Joseph Kabila, en sa qualité non seulement du commanditaire principal mais encore et surtout du sponsors pour tous les besoins nécessaires pour l’aboutissement du plan d’occupation en marche.
Il est nécessaire de le dire en affirmatif, en constatant l’indifférence du pouvoir face à la tragédie en cours et la manière dont les FARDC ne font aucun effort pour empêcher les égorgeurs d’atteindre leurs objectifs. Au contraire, ils leur cèdent des positions, des terrains, et se transforment eux-mêmes en ADF pour piller et tuer dans les quartiers abandonnés par la population, tel qu’on le constate ces jours dans la commune urbaine de Rwenzori, en ville de Beni.
Jeanne d’Arc KAHINDO
Beni.