Les Congolais se déchirent au-devant de la scène du théâtre politique, et le pays est menacé de l’intérieur. Mais les commanditaires de la prétendue crise postélectorale sont extérieurs, derrière la scène du théâtre, utilisant et se jouant des acteurs intérieurs parfois de premier plan. Il faut comprendre et démêler cette situation autrement, et chercher des voies congolaises de sortie de cette turbulence qui est allée jusqu’à susciter et attiser le courroux primaire des fractions de notre peuple pour l’orienter vers des fausses cibles. Je me sens coupable de mon silence devant cette situation, et je voudrais assumer mon devoir de parler et partager mes vues.
La turbulence politique postélectorale actuelle n’est pas le fait de l’antagonisme entre les candidats Fayulu et Tshisekedi qui se connaissent depuis longtemps, ont mené leurs luttes politiques en collaboration, se sont soutenus à multiples occasions, ont été victimes de l’autocratie kabiliste depuis des années, et même semble-t-il prient ensemble. Le problème est ailleurs, et son instrumentalisation occidentale en a fait une turbulence politique postélectorale en RDC. J’espère que cela ne relève pas de la stratégie occidentale de balkanisation du pays.
Pour le peuple congolais, l’essence du problème et la portée politique des élections de 2018 sont considérées comme le couronnement de sa lutte depuis l’indépendance, pour se doter des leaders qu’elle a choisis parce que porteurs de ses aspirations justes, légitimes et profondes, en vue de construire un Congo démocratique, répondant à une autre vision de l’être et du devenir de ce pays. L’objectif est le changement du modèle colonial qui a continué malgré la proclamation de l’indépendance, à cause non pas seulement du rôle néfaste de l’ex-métropole coloniale et de l’occident dans son ensemble, mais surtout à cause de son leadership politique, sans vision patriotique, sans engagement nationaliste, vassalisé comme gendarme local des intérêts occidentaux contre ceux de son peuple.
Les élections étaient donc un moment historique de lutte pour le changement, et de départ pour un nouveau projet de société dans lequel le peuple se retrouve. Elles sont de ce fait vécues par le peuple et ses forces patriotiques avec exaltation comme moment ultime de leur victoire dans la lutte qui les oppose à la coalition leadership « vendu » et ses maîtres occidentaux. Et dans cette guerre, toutes les armes sont utilisées par l’Occident, y compris la théâtralisation ethnique du conflit pour mieux se voiler derrière les rideaux.
La dynamique politique en RDC est, au-delà du peuple qui doit être son principal acteur, accaparée par le jeu des personnalités et surtout des partis politiques en premier lieu. Elle est aussi influencée par l’action de certains acteurs non politiques, qu’ils soient publics ou de la société civile dans ses divers segments. Elle est enfin influencée et de manière substantielle si on déterminante, par des forces politico-économiques extérieures au pays, qu’elles soient proches ou lointaines, agissant directement ou indirectement.
- Comprendre le jeu et le tableau politiques de la RDC.
Dans son dernier livre collectif (Le degré zéro de la dynamique politique en RDC 1960-2018) dont je recommande fortement la lecture aux Congolais en général et à ceux qui cherchent à comprendre le jeu politique dans ce pays, l’ICREDES analyse différentes caractéristiques et pesanteurs de la dynamique politique en RDC depuis 1960. Je voudrais en souligner quatre pour les besoins de cet article.
- i)L’incapacité de l’élite et en particulier de l’élite politique, à construire un nouvel État « capable »
Ce qui à deux reprises, a donné l’occasion à l’ONU et aux puissances mondiales qui la régentent, d’intervention politique et militaire sous forme « d’occupation et de gestion » du pays par leurs forces, pendant près de vingt-deux ans durant les cinquante-huit ans d’indépendance.. Ce faisant, ce sont ces puissances à travers leur instrument international qu’est l‘ONU, et se reposant sur la complicité du leadership non patriotique qu’elles ont fabriqué, qui ont gouverné indirectement la RDC, la mettant au pas de leurs intérêts stratégiques sur l’échiquier mondial.
- ii)La théâtralisation du jeu et du système politiques
L’arène politique congolaise est devenue un cirque de quelques Tarzans directs et indirects, internes et commanditaires externes. Elle n’est plus propriété et domaine du peuple congolais. Elle est occupée par des acteurs comédiens dans une tragicomédie politique. Car ce que vivent le Congo et le peuple congolais depuis l’indépendance du pays est une véritable tragédie, dont les acteurs et faiseurs congolais de la dynamique politique ne semblent pas être conscients, et encore moins porteurs de l’âme de guérison.
iii) Le règne du tarzanisme, de l’opportunisme et de la médiocrité
La sphère politique est dominée par un jeu de forces de ceux qui pèsent non pas par leur base sociale en l’absence d’idéologies porteuses, mais par ceux qui crient fort pour finir par se faire remarquer dans le paysage politique, par ceux qui savent jouer de la flatterie et de l’opportunisme, et par ceux qui savent jouer des coudes physiques (militaires ou militarisées à travers diverses formes de milices et de rébellions réelles ou instrumentalisées), économiques et financières, et souvent en faisant activer certaines relations extérieures.
Il en résulte un tableau de débauches et de débauchés politiques, qu’ils soient débauchés de l’intérieur ou de l’extérieur. Donc un tableau d’acteurs et de décideurs politiques non porteurs des intérêts du peuple ni du devenir de la nation-Etat RDC pour construire son avenir, mais qui au contraire, phagocytent ce dernier dans leur avantage personnel. Le système politique présente ainsi le paysage d’une kyrielle de portevoix, de griots et tambourinaires politiques et de troubadours de toute sorte, au-devant de la scène politique congolaise. Ce qui laisse un large terrain aux mécanismes de corruption et d’instrumentalisation politique, y compris par les forces extérieures.
- iv)Un système politique distant du peuple mais instrumentalisé de l’extérieur
La classe politique de la RDC est faite d’acteurs qui reflètent les forces politiques et surtout économico-financières externes. Ces dernières sont aux commandes de l’économie du pays ou de ses secteurs clefs, et dans leurs stratégies, décident du devenir de la RDC, de son rôle sur l’échiquier régional et mondial, et donc de sa gestion politique et ses animateurs, quitte à les faire légitimer à travers un processus électoral même bidon. Ceci est facilité par l’absence de forces internes suffisamment solides et porteuses d’une vision différente, et notamment de forces porteuses d’une conscience patriotique et des enjeux économiques et géostratégiques dont le pays est l’objet au niveau régional, continental et mondial.
Ce qui fait que les acteurs politiques sont des instruments de ces forces extérieures : États, grandes compagnies œuvrant sous la couverture de leurs puissants pays, réseaux mondiaux mafieux importants, etc. La classe politique congolaise, pouvoir et opposition confondus, est tellement acquise à cette dimension de son jeu politique, qu’elle a nourri en elle une forte croyance que le pouvoir se cherche et s’obtient de l’extérieur, avec l’appui des puissances étrangères, l’histoire de la RDC ayant montré que certains chefs ont été fabriqués de l’extérieur.
Le peuple n’est plus l’acteur de l’histoire et le souverain primaire, sauf dans des incantations politiques habituelles. La classe politique ne semble ni être consciente du grand fossé qui s’élargit entre elle et le peuple congolais, ni se faire le souci d’être le porte-flambeau des luttes du peuple pour le changement et la construction aujourd’hui et demain, d’un Congo différent. Bien au contraire, la classe politique s’en accommode et s’en nourrit, cherchant à participer avantageusement aux dividendes de son instrumentalisation extérieure.
- L’Occident dans la dynamique politique de la RDC
Parmi les acteurs et même « faiseurs » de la dynamique politique en RDC, il y a sans aucun doute les forces extérieures, qui ont eu à « fabriquer » leurs acteurs et tout l’environnement qui leur est favorable. L’absence de progrès politique, le fait de tourner politiquement en rond, la vassalisation et l’affaiblissement du leadership aux commandes du pays dans le sens de leurs intérêts et de leur vision stratégique du devenir de ce pays, est un jeu qui leur est très bénéfique, et elles se sont mises à renforcer ou du moins maintenir cet ordre de choses, donnant au pays une dynamique de « chaos contrôlé » dont ils tirent de gros avantages.
La dynamique politique et le manque de progrès politique en RDC sont donc très marqués par le jeu des forces extérieures depuis l’assassinat de P. Lumumba, vu la faiblesse complice ou réelle des forces intérieures, très instrumentalisées, moyennant la distribution de quelques dividendes du système mis en place.
Parmi ces forces extérieures on peut distinguer deux niveaux d’action dans le façonnement direct et indirect de la dynamique politique au Congo : le niveau individuel d’action de puissance dont les acteurs sont d’une part les puissances ou pays extérieurs, et de l’autre, les réseaux économico-financiers généralement soutenus par leurs pays respectifs. Au niveau collectif, ces puissances agissent par le biais des institutions et organisations internationales qu’elles dominent, et auxquelles elles dictent l’orientation de leurs actions en RDC : l’ONU et les institutions financières internationales notamment. Je vais me limiter ici aux puissances extérieures.
Il est important de rappeler que l’esprit de la Conférence de Berlin (1885) a marqué à sa manière, la dynamique politique de la RDC au cours de ses cinquante-huit ans d’existence. La reconnaissance soi-disant internationale du pays comme propriété privée du Roi des Belges, transmise plus tard comme legs colonial à son pays (la Belgique), était assortie de quelques conditions dont celle de faire de l’espace de l’État indépendant du Congo (EIC) une zone ouverte à la navigation et au commerce international, en particulier pour les puissances participantes dont la Grande Bretagne, la France, l’Allemagne, et les États-Unis.
Après l’indépendance du pays, ces puissances se sont mises à mettre cette disposition en œuvre à des degrés variés. La connaissance de plus en plus grande de l’immensité des richesses naturelles du sol (terres arables, eaux douces, forêts, faune et flore…) et du sous-sol (pétrole, minéraux ferreux et non ferreux, métaux et terres rares…), très convoitées par ces puissances pour les besoins de leurs économies et de leurs stratégies économique, politique et militaire, a renforcé leur rapacité de « vautour » pour se ruer sur les richesses de la RDC et en contrôler politiquement la gestion. Par ailleurs cela s’est conjugué au départ avec le contexte de la guerre froide, et a conduit chacune d’elles à développer ses instruments d’attelage du Congo dans sa stratégie de puissance sur leurs échiquiers continentaux respectifs, et bien sûr aussi sur l’échiquier mondial. L’intérêt pour le Congo était et reste renforcé aussi par sa position géostratégique au centre du continent africain, reliant le nord et le sud, mais aussi l’est et l’ouest de l’Afrique, et en plus aux confins des zones d’influence de la France (nord et Ouest) et de la Grande Bretagne (est et sud).
Ces pays agissent généralement seuls, cherchant à asseoir leurs pions politiques, économico-financiers et militaires dans le cadre de leurs stratégies individuelles de puissance sur l’échiquier mondial, entraînant les petits pays dans leurs sillons respectifs, et finalement dans celui du monde occidental et du Japon. Il en résulte un jeu de compétition entre segments nationaux du capitalisme mondial ou de la mondialisation sur le terrain politique et économique de la RDC.
C’est dans cet ordre de choses que la dynamique de compétitivité entre puissances a permis aux pays émergents et en particulier aux BRICS de se frayer aussi leur chemin vers le partage et l’exploitation chaotique des ressources naturelles du pays. La percée des pays asiatiques de ce groupe les a particulièrement bien positionnée, et en particulier la Chine.
Une dynamique politique marquée par une situation d’un pays de non-État ou de faible État, de chaos contrôlé, d’impuissance et de mal-gouvernance, de vassalisation complice du leadership moyennant la fermeture des yeux sur les excès de l’exercice interne du pouvoir et sur l’absence de démocratie et de l’état de droit, tout cela est une situation qui leur est très bénéfique. Ces puissances la font, la maintiennent, et même la renforcent par leur rétribution de ce leadership gendarme de leurs intérêts, et ce, en dividendes politiques, économiques et financiers du système. Cela justifie le jeu criminel de ces puissances extérieures dans la dynamique politique du Congo. Comme le pays a eu à en faire l’expérience, les forces extérieures sont allées jusqu’à régenter la définition des règles du jeu politique et de mode de désignation des animateurs des institutions politiques du pays, y compris la loi fondamentale qui définit la nature et le contenu du contrat social de base au Congo.
- Pour quoi les forces occidentales veulent le départ de Kabila Joseph ?
Après l’assassinat de Lumumba comme porte flambeau des forces nationalistes, et l’écrasement de ces dernières en RDC, l’Occident avait mis en place un système de fabrication et de vassalisation du leadership congolais à son service. Les régimes politiques avaient et ont toujours pour mission d’accorder des facilités d’investissements juteux, d’importants contrats léonins aux forces occidentales qui leur facilitaient la conquête du pouvoir politique et sa conservation. Ces régimes avaient eu et ont encore essentiellement une mission de gendarmes des intérêts des forces économiques et financières occidentales, et sont rémunérés comme tels, politiquement et économiquement. Leurs dividendes, présentés comme corruptions en cas de crise passagère dans les rapports de l’Occident avec les pouvoirs de leur fabrication, sont en fait des éléments constitutifs du système de gestion néocoloniale par régimes congolais interposés. Dans son dispositif, le peuple congolais ne compte pas ou ne l’est que pour quelques jérémiades humanitaires ou pour enrober la pilule amère de l’exploitation avec quelque enduit sucrée occasionnel.
Kabila en est le prototype. En effet, après trente-deux ans de pouvoir, Mobutu était devenu une épave politique pour l’Occident. Outre le fait que sa mission était terminée avec la fin de la guerre froide, l’Occident avait des griefs politiques, économiques et même stratégiques qu’il lui tenait. Ce n’est pas le moment d’y revenir. Et comme cela est le sort de toute épave, il faut l’enlever de la cour. Il fallait donc se débarrasser de Mobutu. Par pays limitrophes (Rwanda et Ouganda en particulier) interposés, l’Occident enleva l’épave politique Mobutu du terrain.
Le nouveau venu (Kabila Laurent) qui avait joué le jeu, mais qui se ressaisit plus tard, refusa la double tutelle régionale (rwandaise) et occidentale. Il posa quelques actes du début pour s’affranchir de cette double tutelle, mais sans avoir les moyens ni politiques (appui massive du peuple et des forces politiques intérieures), ni militaires. Il fut assassiné dans des conditions non encore élucidées. L’Occident ne veut pas de leadership politique qui entonne le chant du nationalisme, qui a une large base populaire qu’il risque de lui opposer, sauf en cas de défaite politique et/ou militaire, lorsqu’alors il est contraint de négocier.
C’est dans ce tableau fumeux que Kabila Joseph est installé au pouvoir. Les prétextes et raisons ne manquent pas pour le justifier aux yeux des congolais. Les contrats miniers et forestiers, financiers, infrasgtructurels, et commerciaux, y compris ceux fermant les yeux sur des trafics douteux sont passés dans l’intérêt des forces occidentales. Le nouveau régime politique est bon pour l’Occident : il accorde les avantages qui lui sont demandés et dans les formes exigées, il fait le gendarme des intérêts occidentaux, et met le peuple et les forces nationalistes au pas ou les maintient en respect, il n’a pas de base populaire au Congo, il a une gestion militarisée du politique. L’Occident est servi et il se met à la protection du régime politique qu’il a installé et qu’il arme au propre et au figuré. Il le récompense en dividendes politiques et surtout économiques et financiers. L’Occident ferme les yeux sur ses extravagances et ses dérives, car cela fait partie du dispositif d’exploitation des richesses de la RDC. Le gendarme doit être payé.
À ce titre l’Occident ne veut rien entendre des cris du peuple, on ne veut rien entendre de la victoire de Bemba Jean Pierre aux élections présidentielles de 2006. On ne veut rien entendre de la victoire de Tshisekedi Etienne aux élections présidentielles de 2011. Le choix du peuple congolais ne compte pas. Personne en Occident ne pense à la vérité des urnes. Personne n’en parle. C’est un principe pour d’autres circonstances. Comme quoi pour l’Occident, la démocratie et sa vérité des urnes sont contextuelles en Afrique et particulièrement en RDC.
Kabila Joseph est donc le chouchou des occidentaux et notamment de ses forces économiques et militaires. Des guéguerres et compétitions entre segments nationaux et entre acteurs occidentaux du système et de l’économie politique de la prédation au Congo ne manquent pas. Mais cela est mineur pour l’Occident. Les gémissements du peuple congolais comme plus grave avant, le génocide dont il a été victime depuis l’invasion rwandaise ne comptent pas. Même le fameux rapport Mapping des Nations Unies est mis dans les tiroirs après en avoir enlevé des sections entières… Ce qui est au détriment du peuple congolais est mis à son compte pertes et profits. Le leadership congolais fabriqué par l’Occident garde silence. Il est déjà assez bien rémunéré comme ça.
Produit et robot politique de l’Occident en RDC, Kabila a aussi des intérêts de ses parrains régionaux et des intérêts propres de son régime à sauvegarder. Ils ne se marient pas toujours avec ceux de certains segments impérialistes occidentaux. Des conflits peuvent naître. Dans la série de ces conflits mineurs au départ et qui se sont amplifiés progressivement on peut mentionner : l’enrichissement à outrance qui leur était lié certes, mais qui commençait à menacer la sécurité de leurs investissements au pays et de leurs secrets partagés, le concubinage économique avec la Chine, et avec la Corée du Nord, le supposé concubinage avec l’Iran, l’amorce des flirts avec la Russie, et comme pour signer le « crime » et mettre la cerise sur la gâteau kabiliste, la promulgation du nouveau code minier.
Le conflit entre l’Occident et la kabilie n’est donc pas dû au fait que le régime est vomi par le peuple congolais, qui d’ailleurs ne pèse pas dans l’équation congolaise de l’Occident, pas pour le caractère dynastique et dictatorial ou le manque de démocratie du régime. Ce n’est donc pas pour la vérité des urnes, car on a vu le comportement de l’Occident durant et après les élections de 2006 et 2011.
La cabale anti Kabila, est menée dans une action conjuguée par des puissants cartels financiers et surtout miniers qui le connaissent très bien, l’ont fabriqué et maintenu au pouvoir directement et à travers l’appui de leurs gouvernements nationaux. Mais comme à chaque moment, il y a toujours des fissures dans le camp des cartels parce que certains membres continuaient à bénéficier des largesses contractuelles du régime Kabila et en étaient les griots, appuis et avocats auprès de leurs gouvernements à travers différents lobbies.
Mais comme en plus il y a une montée forte des forces politiques intérieures et du peuple congolais contre le régime, l’Occident a une occasion exceptionnelle pour s’insérer dans ce mouvement et l’utiliser pour éjecter Kabila de son siège de gendarme des intérêts occidentaux. L’appui au processus électoral, à certaines forces politiques et à certains segments de la société civile est crucial pour opérer le changement voulu. Il faut donc s’appuyer sur ces forces et les accompagner. C’est un jeu démocratique normal. Et comme il s’agit d’appui à un processus de démocratisation libérale, personne ne peut et ne va douter de la bonne foi de l’Occident.
- À qui confier la gouvernance formelle du Congo après le départ de Kabila ?
Le souci d’éjecter Kabila n’implique pas forcément celui d’éjecter le régime. C’est pourquoi la question qui se pose dans le chef de l’Occident est plutôt celle de savoir par qui le remplacer ? Dans mes pérégrinations internationales, j’ai souvent entendu cette question de la bouche des interlocuteurs occidentaux, et parfois des personnalités qui au nom de leurs pays ou des Nations Unies, avaient occupé des fonctions importantes en RDC. Ils me demandaient toujours (et pas seulement à moi) le nom de quelqu’un que je pense pouvait remplacer Kabila. Ce qui les intéressait en fait c’est le nom de celui qui pouvait le remplacer pour leur garantir et continuer à leur offrir ce que Kabila leur offrait.
C’est dans ce cadre que l’occident s’est mis dans la préparation du terrain. Une série de réunions guidées en coulisse par les forces occidentales, et surtout financées par elles comprenant notamment la réunion de Genval en Belgique, celle de Dakar (île de Gorée) au Sénégal, la mise à contribution de certains leaders politiques africains à travers des rencontres organisées et financées par les forces de l’Occident, la réunion à Bruxelles des forces de l’opposition officiellement invitées par Bemba Jean Pierre, celle de Johannesburg en Afrique du Sud sur demande de Katumbi sous les auspices de l’ANC alors que cette dernière ne l’avait pas convoquée, la réunion de certains pays voisins avec la France à Paris, et enfin celle de Genève sous les auspices de la fameuse Fondation Koffi Annan et la médiation de mon vieil ami Alan Doss.
C’est la conclusion inattendue de la réunion de Genève qui montre à suffisance ce que l’Occident cherchait en réalité : la désignation d’un leader politique appuyé par toutes les forces d’opposition ou qui se disent telles, mais d’un leader commun qui réponde à certaines conditions capitales pour les forces de l’Occident, quitte à faire tomber les règles importantes du jeu de cette désignation. Et l’Occident savait jouer sur certaines cordes sensibles pour ses robots politiques en RDC, y compris la corde ethnique. C’était là le premier « péché » visible des forces occidentales et des leaders vassalisés dans leur giron : escroquerie et trahison.
Il leur fallait un leader non nationaliste, sans base populaire de masse qui risque de leur être opposée, un leader qui leur soit redevable, donc fabriqué dans leur cuisine et leur série de machinations, et dont Genève devait accoucher à une dizaine de jours du début de la campagne électorale. Le problème de moyens ne se posait pas car les forces occidentales n’allaient pas lésiner dessus. Mais dans le paysage politique de l’opposition congolaise, les forces occidentales avaient déjà leurs « amis et partenaires » : Moise Soriano Katumbi, avec qui elles avaient fait des affaires très juteuses quand il était gouverneur du Katanga et qui s’est enrichi dans ces affaires et contrats douteux. Il y avait J-P. Bemba que les forces occidentales avaient aidé à sortir de la prison de la CPI grâce à la voix du juge belge. Il y avait aussi le l’opposant M. Fayulu, ancien cadre d’une multinationale pétrolière étasunienne, qu’accompagnaient des leaders comme A. Muzito qui avait déjà eu à faire des affaires avec l’Occident comme premier ministre de la kabilie, et Matungulu, un ancien du FMI. Ce qui faisait déjà un trio d’une même composante provinciale. Les règles établies pour la désignation consensuelle du candidat commun risquant de privilégier le leader de l’UDPS, il fallait les torpiller ou les ignorer pour éviter d’élire ce candidat-là, même si l’intention était de lui confier M. Fayulu comme premier ministre.
Il faut remonter à l’histoire des relations de l’UDPS avec l’Occident pour comprendre le rejet de son candidat dans la machination de Genève. Ce parti politique était historiquement opposé à Mobutu qui était le chouchou des occidentaux, et leur gendarme sous-régional en Afrique Centrale. Il avait une base populaire qu’il a su garder et gérer malgré des débauchages politiques. Il a même élargi sa base sociale. Depuis l’élimination des mouvements nationalistes en 1960, il est le seul qui se soit affirmé dans la mouvance nationaliste bien que sans force idéologique et ferveur d’engagement patriotique comme le mouvement lumumbiste dans son temps. Il faut souligner ici que le PALU comme on le sait, n’a rien de lumumbiste. Mais l’engagement pour la démocratie (qui privilégie les intérêts du peuple), pour l’État de droit et pour le progrès économique et social, sont des principes base du credo politique et d’engagement qui ont toujours guidé l’action politique de l’UDPS.
Ce qui fait que depuis l’indépendance du pays, la lutte du peuple qui n’avait plus trouvé de porte flambeau depuis son écrasement avec les forces lumumbistes au cours de la période 1960-1965, semblait être portée plutôt par l’UDPS. Le peuple s’y retrouvait et y adhérait. L’adhésion massive en a fait un parti de masse, celui qui a su et avec courage s’opposer au mobutisme triomphant, et au kabilisme triomphant et décadent. Le parti acquis de ce fait une stature politique qui lui donne des forces pour se tenir debout devant les forces occidentales, en dépit de ses faiblesses internes. Et cela l’Occident n’en voulait et n’en veut toujours pas.
Donc il fallait à Genève, ignorer les règles du jeu. C’est pourquoi les leaders vassalisés ne pouvaient que se coaliser sous les auspices de Katumbi Soriano et Bemba Gombo pour laisser tomber les règles du jeu convenues.. C’est dans ces conditions que la montagne de l’opposition politique congolaise accoucha, assistée par l’accoucheur occidental, d’une souris. Et Martin Fayulu fut mis au-devant de la scène. Et comme la stratégie était d’embrigader l’UDPS dans un accord pipé quitte à en oublier tout ce qui pouvait l’avantager, le retrait de la signature du leader de l’UDPS fut amèrement ressenti, car cela signifiait le retrait important des masses populaires derrière lui. Ce qui ne fût pas le cas pour le retrait de la signature du leader de l’UNC, du moins pas au même niveau. Le leader de l’UDPS fut diabolisé avec des extravagances de langage au-delà de la correction politique. Les élites politiques ou non et les masses furent utilisées et même instrumentalisées à cet effet.
Mais ce fut vain comme l’a montré la chaleur et l’immensité de l’accueil populaire du tandem Cash à Kinshasa. Je suis arrivé à Kinshasa ce 27 novembre 2018 à 16 h 45, et j’ai dû rester à l’aéroport de Ndjili pendant deux heures et demi. Ensuite le trajet a pris du temps, et je n’ai pu atteindre ma maison que vers 20 h 30, à cause de la perturbation de la circulation due à la marée humaine qui était venue accueillir le tandem ce jour-là.
- Quelle stratégie mettre en place pour arriver à cet objectif ultime ?
Le candidat de Lamuka fut ainsi désigné non pas pour briguer le poste de président de la république, mais plutôt pour mobiliser les masser et réclamer l’annulation des élections, notamment pour raison d’utilisation de la machine à voter, car le vrai candidat de l’Occident demeurait Moise Soriano Katumbi. Le candidat de Lamuka fut désigné ensuite pour préparer le retour de Moise Soriano Katumbi sur la scène politique comme président élu. Et c’est pour cela que contre les dispositions constitutionnelles, l’accord de Genève entre sept personnes lui donnait un mandat de deux ans pour mettre en place des mécanismes et dispositifs nécessaires à cet effet. Dans son essence, Lamuka n’était donc pas une plateforme électorale, mais une plateforme anti élections de 2018, du moins par la machine à voter. C’est pourquoi durant toute la grande partie de la campagne présidentielle (Est et Sud du pays), Lamuka mobilisait les populations pour refuser la machine et ne voter qu’avec les fiches manuelles qui n’existaient pas. Mais devant l’ampleur des marées humaines que drainait le tandem du Cach, devant l’ampleur des manifestations populaires tenant à participer aux élections, et enfin face à l’ambigüité démobilisatrice de son discours, Lamuka décida de changer le discours à une semaine de la fin de la campagne quand son candidat entamait de visiter l’ouest du pays. Il faut reconnaitre que c’était tard.
Par ailleurs, Lamuka qui ne voulait pas aller aux élections, ne s’y était donc pas préparé. Il n’avait pas eu le temps de recruter des témoins et des observateurs, de les former, de les envoyer sur le terrain, et de suivre leur travail. C’est logique car on ne met pas en place une machine lourde et une armée d’observateurs et de témoins d’un scrutin qu’on rejette. Il lui est donc difficile d’avoir des preuves de quoi que ce soit de tangible, sauf à travers un partenariat avec une autre institution ou organisation.
Mais l’Occident avait cherché à palier à ce déficit capital. Il avait compté sur l’aide financière et l’envoi des observateurs pour avoir une fenêtre sinon une porte d’entrée dans le processus électoral organisé par la kabilie. Malheureusement le régime de Kabila qui avait ses calculs pour organiser une fraude électorale en vue de donner « démocratiquement » une victoire et un troisième mandat à Kabila, hors du regard des forces occidentales amies devenues ennemies, avait refusé toute aide financière, et en plus le régime ne voulait pas du tout des observateurs étrangers non africains, donc occidentaux..
L’Occident trouva tout de même une porte d’entrée à travers son appui à la CENCO. Cette dernière est une force qui jouit d’une notoriété et d’une autorité morale indiscutables comme leader d’opinion dans la société civile congolaise. Il accorda ainsi un financement important et multiforme à la CENCO, pour l’observation des élections. L’objectif restait le même : veiller à ce que si elles doivent avoir lieu, les élections se passent conformément aux buts visés par l’Occident pour doter la RDC d’un nouveau leadership, mais acquis aux intérêts de l’Occident, et non qui les opposerait à ceux du peuple congolais. Ceci peut ne pas être dit de manière explicite, mais la CENCO qui reconnait avoir reçu le financement de l’Occident, sait qu’elle avait à rendre compte à son financier.
La preuve supplémentaire de la mission confiée discrètement à la CENCO par l’Occident à travers son financement est donnée notamment par la déclaration de Olivier Kamitatu, porte-parole de Moise Soriano Katumbi et membre du directoire de la campagne électorale du candidat de Lamuka. Il a affirmé dans un débat télévisé sur une chaîne belge avec les représentants du FCC et de l’UDPS, qu’ils avaient des données chiffrées des résultats des élections qui étaient en leur faveur, et ce, parce qu’ils avaient envoyé quarante mille téléphones cellulaires intelligents et quelques milliers de téléphones mobiles satellitaires. Le chiffre de téléphones envoyés par l’Occident par le biais de Lamuka correspond curieusement au nombre d’observateurs équipés de téléphones par la CENCO. Étant donné que la coalition Lamuka n’avait pas envoyé des observateurs électoraux, à qui est-ce que ces quarante mille téléphones ont été envoyés ? Laissons de côté les questions y relatives : par quelle porte sont-ils entrés en RDC, comment ont-ils été acheminés aux utilisateurs, etc. Il est évident à mon avis que ces téléphones étaient destinés au réseau d’observateurs électoraux de la CENCO. Son équipement technique fait donc partie du dispositif occidental dans le contrôle du processus électoral en RDC en vue d’en influencer les résultats dans son intérêt.
Le troisième instrument de l’Occident fut ce que Moise Soriano Katumbi a appelé « la campagne à l’américaine ». Cette dernière est caractérisée non pas par la hauteur du débat d’idées et de programmes politiques, mais princiaplement par le matraquage médiatique. L’occupation des médias internationaux, belges, français, et américains en particulier, la mainmise sur les réseaux sociaux, l’utilisation à outrance des maisons de presse nationales appartenant aux différentes composantes de Lamuka, la production des articles orientés vers la cause du candidat de Lamuka (qui pourtant ne voulait pas aller aux élections), et donc de l’Occident, le montage des images, la fabrication des sondages commandités, l’annonce des résultats durant le temps de dépouillement et de compilation bien trop tôt, un véritable showbiz politique intensément et bruyamment véhiculé étaient activement inscrits au menu de la campagne de l’alliance Occident-Lamuka. La presse belge en particulier s’est montrée très virulente à l’égard de l’UDPS, et quasiment dans la poche de Lamuka. Lamuka serait allé jusqu’à acheter une place dans le New York Times à New York pour diffuser un article le présentant comme vainqueur des élections. Il fallait faire feu de tout bois et surtout faire croire à l’opinion nationale et internationale ce que l’Occident voulait en RDC et en particulier dans la fabrication de son nouveau leadership de l’après Kabila, comme le résultat des élections, et vérité des urnes. Il fallait minimiser ou mettre dans l’ombre toute autre image ou discours qui montrerait le contraire. L’Occident en a les moyens. Il a même bien joué sa carte et avec ses gros sabots, y compris en égarant les élites politiques et le peuple sur des fausses pistes dans la lutte pour le changement. Car pour lui il ne doit pas s’agir de la lutte pour le changement (du système), mais de la lutte pour écarter ceux qui luttent pour un tel changement. Mungul Diaka avait trouvé une belle formule pour exprimer une telle situation : changement de chauffeur mais le véhicule reste le même et dans le même état.
- Les erreurs de calcul occidentaux
La coalition Occident-Lamuka s’est battue comme les deux autres (FCC et Cach) pour gagner les élections présidentielles. Les résultats officiels publiés par la CENI annoncent plutôt la victoire du candidat du Cach. Lamuka a donc essuyé un échec, et l’Occident le savait. Le Groupe de recherche sur le Congo basé à l’Université de New York vient de publier une analyse des documents fuites organisées par la CENCO et un agent de la CENI. Les deux documents indiquent que le candidat de Lamuka est celui qui a effectivement gagné les élections. Il est difficile de trancher vu les antécédents ci-dessus analysés. Les chiffres eux-mêmes sont plus que douteux, avec des écarts grossièrement montés. Le mode d’organisation de la fuite desdits documents n’est pas indiqué. Tout le monde sait comment ce groupe est financé par certaines forces occidentales.
À mon analyse, cette prétendue fuite relève de la même stratégie que l’article de New York Times, de celui du journal belge la Libre sur le faux diplôme, indiquant des soubresauts de désespoir d’un combat d’arrière-garde. Pour le moment, la coalition Lamuka sponsorisée par l’Occident est déclarée perdante. Son échec est d’abord l’échec de sa coalition avec l’Occident, et ensuite de ses instruments institutionnels locaux. Sentant cet échec venir, la coalition Occident-Lamuka a déployé d’autres efforts. Son échec est analysé dans le contexte des erreurs de calcul que les forces occidentales ont commises dans le parcours électoral.
Parmi les erreurs de calcul, je mentionnerais principalement les suivantes :
(i) La coalition Occident-Lamuka a cherché à noyer ou ignorer la nature et l’essence de la lutte du peuple congolais pour les élections. Pour ce dernier en effet, il ne s’agit pas de remplacer une clique prooccidentale (la kabilie) par une autre de même fabrication (Lamuka), mais au contraire, de pouvoir enfin se doter d’un leadership nationaliste (Lumumba, Tshisekedi…) ou du moins porteur de ses intérêts nationaux.
(ii) Le recours à la pratique françafricaniste de fabrication extérieure et de robotisation du leadership au Congo pour mieux exploiter les ressources du pays, sous la protection d‘un régime politique vassalisé, corrompu et surtout gendarme de leurs intérêts. Cette pratique n’est plus acceptée en Afrique, et la RDC que l’on croyait quasiment dans la main de l’Occident a donné l’exemple de ce rejet. L’Occident ne l’avait pas vu venir.
(iii) La création des conditions objectives de rapprochement des rejetés des forces occidentales. En effet, la kabilie rejetée par l’Occident pour des raisons qui lui sont propres, et l’UDPS qui dirige la coalition Cach rejetée par l’Occident pour des raisons tout-à-fait différentes (intransigence politique, non produit de l’Occident, base sociale large et autonome), se sont trouvées dans des conditions objectives de rapprochement comme les excommuniés du système occidental d’exploitation des ressources du Congo. Ce qui était un service rendu à la kabilie. La coalition Cach étant la branche de l’opposition qui a une large base populaire, et qui semblait monter en annonces provisoires de votes, donnait à la kabilie l’occasion de reconnaître sa défaite ou celle de son candidat (E. Ramazani), et la victoire du candidat de Cach même sans besoin de négociations éventuelles. Kabila sait que l’Occident veut sa peau, et que ce n’est pas un pouvoir Occident-Lamuka qui le laissera en paix et sécurité. L’Occident ou sa coalition n’avait pas vu cela non plus.
(iv) La multiplication des aboiements finalement contreproductifs : la précipitation française pour une tentative d’utilisation des instances de l’ONU pour légitimer la position occidentale (réunion du Conseil de Sécurité), les déclarations pro-Lamuka des gouvernements occidentaux (belge et français en particulier), le recours bruyant à une base d’information (CENCO) de sous-main, tout cela commençait à agacer une partie de l’opinion africaine et internationale. L’Afrique du Sud de Cyril Ramaphosa (vieux combattant depuis de longues années à la tête de la Cosatu) qui n’est plus celle de Zuma est allée jusqu’à traiter la CENCO d’ONG qui ne peut être source d’information pour fonder une décision du Conseil, et ce avec l’appui de la Chine et de la Russie.
(v) Un Occident désemparé devant ce qui s’annonce comme son échec, et qui risque de bénéficier à ses adversaires et autres compétiteurs comme la Chine et la Russie qui se frottent secrètement les mains, mais aussi à certains pays émergents, ainsi servis par les erreurs stratégiques de l’Occident. Fort de leur appui au peuple de la RDC en cette période critique de lutte contre une tentative néocoloniale de l’Occident, ces concurrents qui sont déjà sur terrain d’ailleurs, peuvent utiliser leur position actuelle y compris dans les instances de l’ONU, pour se rapprocher du nouveau pouvoir qui arrive. Ce qui va non pas exclure, mais amorcer la marginalisation des forces occidentales sur l’échiquier politique et économique congolais. Finalement il s’agit de l’échec de la tentative de françafricanisation de la RDC sur le modèle ivoirien après les élections. L’Occident n’avait pas vu venir cet effet non voulu dans sa stratégie de fabrication extérieure de leadership africain.
(vi) Le malaise dans le combat d’arrière-garde et les aboiements devant l’échec des forces occidentales du mal et la détermination du peuple congolais, quand on sait qu’on sera contraint d’aller frapper à la porte du nouveau pouvoir mené par une force politique qu’on avait combattue, se condamnant à se trouver dans ses petites chaussures et non dans ses gros sabots habituels avec pourvoir d’injonction. Devant la menace de perdre l’espace au profit de la Chine, de la Russie et d’autres compétiteurs, l’Occident devra rentrer avec un langage de quasi-mendiant à la porte du nouveau leadership pour garantir les avantages acquis ou du moins pour ne pas les perdre, bénéficier de nouveaux ou de la révision des contrats, etc., enrobé dans le discours d’offre d’aide au développement. Cette perspective de sentiment d’humiliation est mal ressentie par l’Occident et il ne l’avait pas entrevue.
(vii) Le doute sinon le discrédit jeté sur son instrument la CENCO qui y laissera quelques plumes. En effet, bien financée par l’Occident, la CENCO qui était le premier à provoquer la turbulence postélectorale par son annonce trois jours après le scrutin, et sur base d’un faible pourcentage des bureaux de vote, la conclusion des résultats reçus à travers son réseau de téléphones mobiles, n’a pas pu fournir les PV signés qui confirment ses chiffres des résultats qui lui faisaient dire qu’elle connaissait le vainqueur et gagnant des élections présidentielles. Et comme pour montrer ce qui la préoccupait le plus conformément à la mission que lui avait confiée son bailleur de fonds, elle est restée quasi muette sur les résultats des législatives et des provinciales. Elle n’a plus annoncé qu’elle avait les noms des élus de ces deux niveaux. Par ailleurs et qu’on le veuille ou non, elle est en partie à la base des tueries sur fond ethnique ou tribale, et de la chasse aux Lubas dans le Bandundu entre autres. En tant qu’institution, sa crédibilité politique et morale devant le peuple congolais en est affectée.
Conclusion : C’est quoi le futur ?
Le problème instrumentalisé ou théâtralisé notamment à travers le recours au tribalisme n’est donc pas entre Martin Fayulu et Félix Tshisekedi (j’ai une relation personnelle d’estime avec chacun d’eux), mais entre le peuple congolais qui lutte pour se doter des leaders politiques d’obédience nationaliste ou du moins nationale, et la coalition Occident-leaders politiques vassalisés par ce dernier. Il se fait que Lamuka en tant que coalition interne, a montré qu’il était de cette coalition externe. Il faut maintenant regarder vers l’avenir, car même si l’Occident a perdu une bataille contre le peuple congolais, il y a des défis anciens et émergents qu’il faut analyser et relever, de nouveaux pièges de l’Occident et ses porte-intérêts (actuels et nouveaux), et organiser le peuple en conséquence.
Dans cette perspective, le rôle des deux leaders candidats est crucial. Avec humilité et sens patriotique, je les invite à se faire violence individuelle et de groupe, à se dépasser et dépasser les appels des egos personnels, et à mettre la RDC et son devenir au centre de leur action politique conjuguée. C’est ce que le peuple congolais attend impatiemment d’eux. Je les invite à ne pas porter la responsabilité historique du déchirement social, fertilisant ainsi le terrain du projet extérieur de balkanisation du pays. En se ralliant autour des aspirations du peuple, même si on diverge sur les voies de réponse à ces aspirations, on construira le Congo de demain ensemble, dans le rassemblement des forces démocratiques pour un Congo qui rayonnera an centre du continent africain, et dont les Congolais d’abord et les Africains ensuite vont se sentir fiers.
J Kankwenda Mbaya