Ce document, élaboré dans la discrétion au cours des dernières semaines, résulte de consultations régionales soutenues, impliquant l’Union africaine (UA), la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), ainsi que certains partenaires européens. Il s’inscrit dans une série d’initiatives diplomatiques menées depuis la fin de l’année 2024 pour prévenir une escalade militaire majeure dans l’Est de la RDC, théâtre de graves affrontements entre les forces armées congolaises (FARDC), les rebelles du M23, et d’autres groupes armés actifs dans la région.
Un projet d’accord aux contours encore confidentiels
Selon les éléments obtenus, le projet d’accord comprend plusieurs volets sensibles :
• La cessation immédiate des hostilités entre les parties directement ou indirectement impliquées,
• Le retrait coordonné des forces étrangères ou irrégulières présentes sur le territoire congolais,
• La réactivation des mécanismes bilatéraux de sécurité frontalière, notamment les commissions mixtes de surveillance,
• Le retour volontaire des réfugiés congolais et rwandais, dans le respect du droit international,
• La lutte commune contre les groupes armés, avec des garanties de non-assistance à tout mouvement hostile à l’autre partie,
• Une feuille de route pour la reprise des relations diplomatiques et commerciales, gelées de facto depuis la résurgence du M23 en 2022.
Le rôle clé des États-Unis dans la médiation
La soumission du projet aux États-Unis traduit la volonté des deux pays d’impliquer un acteur extérieur jugé neutre et influent. Washington a, ces dernières années, intensifié son engagement dans la région des Grands Lacs, à travers des missions diplomatiques discrètes, des pressions politiques, mais aussi un soutien logistique aux initiatives régionales.
Le département d’État américain a confirmé avoir reçu le document, sans pour autant commenter son contenu. Des diplomates affirment que l’administration Biden souhaite jouer un rôle de facilitateur plutôt que d’imposer une solution, misant sur la volonté des acteurs africains de prendre la direction du processus.
Des tensions toujours vives sur le terrain
Malgré cette ouverture diplomatique, la situation reste extrêmement tendue dans les provinces de l’Est congolais. Le M23 contrôle toujours plusieurs localités stratégiques autour de Goma, et les combats sporadiques continuent de provoquer des déplacements massifs de populations. Plus de 2,5 millions de personnes sont actuellement déplacées internes dans le Nord-Kivu, selon les dernières données de l’OCHA.
Kinshasa maintient ses accusations envers Kigali, qu’elle soupçonne de soutenir militairement et logistiquement les rebelles du M23, une position partagée par plusieurs rapports de l’ONU. Kigali, pour sa part, réfute ces allégations et accuse la RDC de fermer les yeux sur la présence de groupes armés hostiles au Rwanda, notamment les FDLR.
Un espoir fragile, mais réel
Les analystes politiques soulignent que, bien qu’encore préliminaire, ce projet d’accord pourrait marquer un tournant si les parties s’engagent avec sincérité et si la communauté internationale apporte les garanties nécessaires. L’implication des États-Unis, même en coulisses, est perçue comme un levier de pression potentiellement décisif.
« Ce projet est encore loin d’un accord final, mais il montre que le dialogue reste possible malgré les blessures profondes », estime un diplomate africain proche du dossier.
La paix dans la région des Grands Lacs reste un chantier complexe, mêlant enjeux sécuritaires, ethniques, économiques et historiques. Ce projet d’accord, désormais sur la table des négociateurs, pourrait, s’il est mené à bien, constituer un pas historique vers une stabilisation durable.